Les traumatismes graves sont définis par des critères cliniques et des circonstances de traumatisme (critères de Vittel) et peuvent être classés dans trois catégories :
- les patients instables, pour lesquels le bilan d’imagerie est minimal, fait au lit ; la tendance actuelle est de réaliser un scanner corps entier, même chez ces patients instables, car le temps passé au scanner est rattrapé ensuite grâce à une prise en charge orientée ;
- les patients critiques, mis en condition généralement en réanimation puis bénéficiant d’une exploration scanographique ;
- les patients potentiellement graves, paucisymptomatique, stables, reçus en SAU, explorés par scanner. Ce sont les plus nombreux.
Les recommandations actuelles sont en faveur d’une prise en charge dans des structures adaptées avec un plateau technique performant et disponible H24.
Le scanner corps entier reste la référence dans l’exploration de ces traumatismes, bien que certaines publications proposent de revenir à des examens plus ciblés sur les lésions suspectées. Cet examen a permis une amélioration significative de la mortalité et de la morbidité au détriment d’une exposition aux rayonnements ionisants non négligeable. Il faut donc réserver cet examen aux patients rentrant dans les critères de Vittel et ne pas l’étendre à de simple polyblessés avec fractures périphériques.
Le scanner corps entier doit idéalement être fait dans les 45 minutes après l’arrivée à l’hôpital dans le cas d’un patient instable ou critique et dans les 90 minutes pour un patient potentiellement grave.
Pour optimiser cet examen, il faut s’impliquer dans toutes les étapes :
Installation du patient :
- Rapidité sans précipitation avec mobilisation à plusieurs, en traction, sur plan dur ;
- Enlever toutes les structures métalliques du champ d’exploration pour éviter les artefacts ;
- Mettre les bras du patient sur l’abdomen, surélevés par une cale ou un traversin, ce qui permet d’éviter les artefacts sur le foie ou la rate sans avoir à mettre les bras audessus de la tête ;
- Choisir la voie veineuse adaptée.
Protocoles :
- Mode radios face et profil de grande taille pour avoir une vision globale des éventuelles lésions squelettiques sévères (les scanners récents permettent des débattements de 2 m) ;
- Acquisition sur crâne et massif facial sans IV ;
- Pas d’acquisition sans IV sur l’abdomen ;
- Puis, en fonction de la gravité du patient et de l’expérience des équipes :
- Protocole deux temps classique : temps artériel corps entier du vertex au petit trochanter suivi d’un temps veineux abdomino-pelvien ;
- Ou protocole avec injection multiphasique (« split ») : Temps 0 : injection 80 cc à 2,5 cc/s puis attente 30 sec puis injection de 60 cc à 3 cc/s et départ de l’hélice corps entier à 90 sec (par rapport au temps 0). Cela permet d’avoir sur une seule acquisition un temps mixte artériel et portal (figure 1) et donc de diminuer nettement la dose.
- Temps tardif optionnel à faire en basse dose en cas de lésions des voies urinaires ou du bassin.
Reconstructions :
- Systématiques et standardisées ;
- Fenêtres os obligatoires ;
- Reconstructions rachis sagittal indispensables ;
- Reconstructions multiplanaires sur lésions.
Interprétation :
- Avec grille de lecture pour ne rien oublier ;
- Analyse multi planaire dans toutes les fenêtres ;
- Images clés ou planche résumée pour le clinicien ;
- Compte rendu clair signalant les lésions nécessitant une prise en charge rapide, les fuites actives… ;
- Si possible double lecture (à froid).
Au total, la prise en charge d’un traumatisme grave demande de l’expérience et des équipes entraînées. Le radiologue doit être en salle et à la console au moment de la réalisation de l’examen pour savoir s’adapter au patient et réagir vite si besoin (choix d’un temps tardif, rajout d’une hélice sur une fracture périphérique complexe, etc.). Il faut également être proche des cliniciens pour connaître leurs attentes, avoir le suivi du patient et apprendre de ses erreurs.
K CHAUMOITRE
Imagerie médicale, CHU Marseille
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Urgences en imagerie - L'hématurie macroscopique aux urgences