Naissance de la radiologie française
Après quelques tâtonnements dus au peu de données pratiques présentes dans la publication de Röntgen, Toussaint Barthélémy et Paul Oudin poursuivent avec acharnement leurs expérimentations pour perfectionner leur maitrise des rayons X et obtenir de meilleures images. Antoine Béclère, qui doit à Barthélémy et Oudin d’avoir assisté pour la première fois à un examen radioscopique, reconnait en eux « nos premiers maitres en Radiologie ».
Pour ces précurseurs, l’utilisation en médecine des rayons X est une évidence, tant dans le diagnostic des maladies chirurgicales, défendu par le chirurgien Odilon-Marc Lannelongue dans une série de notes à l’Académie de Sciences en janvier 1896, que pour l’examen clinique, tel que le soutiennent Barthélémy et Oudin. Charles Bouchard, Professeur de pathologie générale, initié lui aussi par Barthélémy et Oudin, en est non sommes en droit d’espérer que l’exploration par les rayons de Röntgen ne rendra pas à la médecine de moindres services qu’à la chirurgie » et d’ajouter « l’emploi des rayons de Röntgen, qui rendait au chirurgien de si grands services, est devenu tout aussi précieux pour le médecin ». En décembre de la même année, le même Bouchard publie « les rayons de Röntgen appliqués au diagnostic de la tuberculose pulmonaire » ce qui fait déclarer à Béclère « l’utilité de la radioscopie dans le dépistage précoce de la tuberculose est un fait acquis ».
La créativité est sans limite ; on explore la cinématoradiographie (Guilleminot) et la radiographie stéréoscopique (Imbert et Bertin-Sans), on se projette « le jour où il deviendra facile d’obtenir directement sur l’écran [fluorescent], avec l’illusion du relief et de la profondeur, l’image passagère des organes invisibles » (Béclère).
De petites entreprises se spécialisent dans l’appareillage radiologique : Radiguet, Massiot, Gaiffe, Drault, Pilon... Très vite une véritable industrie apparaît.
De son côté, Victor Despeignes, pionnier de l’utilisation thérapeutique des rayons X, réalise la première radiothérapie anticancéreuse en juillet 1896.
On découvre aussi la nocivité des radiations ionisantes. En 1897, Barthélémy, Oudin et Jean Darier rapportent les premières observations de radiodermite. La radioprotection devient dès lors une préoccupation d’Antoine Béclère, il lui consacrera plusieurs publications au nombre desquelles : « Les moyens de protection du médecin et des malades contre les nouvelles radiations, rayons de Röntgen et rayons du radium » parues en 1904.
Bien sûr, à cette époque, les rayons X sont loin de faire l’unanimité et Antoine Béclère de répondre à leurs détracteurs « … on nous permettra de comparer ces deux procédés [radiographie et radioscopie], de montrer les avantages et inconvénients de chacun et de faire en quelque sorte leur procès pour répondre aux arguments que nous avons entendus des praticiens de grande valeur opposer à leur emploi en médecine », plus sobrement « nombre de médecins ignorent encore quels services ils sont en droit de lui [la découverte de Röntgen] demander ou du moins ne connaissent pas l’étendue et les limites de ces services ».
Béclère déplore également « il faut regretter que ces excellents ouvriers de la première heure n’aient pas eu à leur disposition un service d’hôpital… ». Sans espoir de crédit, prudence de l’administration, défiance de médecins et chirurgiens qui ne voient pas d’un bon œil une nouvelle discipline s’implanter à l’hôpital, il met en place, à ses frais, une installation radioscopique dans son service de médecine générale à l’hôpital Tenon en 1897. Seuls, avant lui, Imbert, professeur de physique, et Bertin-Sans à Montpellier avaient installé un laboratoire. Suivront le Dr Marie à Toulouse, E. Destot à Lyon, E. Castex à Rennes... Dès lors, Béclère instaure le dépistage systématique de la tuberculose, chaque patient entrant dans son service subira une radioscopie du thorax.
Pour Béclère, ardent défenseur d’une radiologie exercée par des médecins, il s’agit aussi de former des praticiens. Il inaugure des cours de radiologie médicale, auxquels assisteront 30 ans durant, des médecins issus de nombreux pays : Canada, Espagne, Grèce, Italie, Inde, Roumanie, Syrie, Tunisie, Uruguay, Venezuela, …
Enfin, au tournant du siècle, le 20 décembre 1901, 10 jours après que Röntgen ait reçu le premier prix Nobel de physique, l’Assistance Publique crée une « Commission pour l’organisation de laboratoires centraux dans les hôpitaux ». Encore une année sera nécessaire pour lui permettre de conclure à l’utilité de doter la vingtaine d’établissements parisiens de laboratoires de radiologie.
L’histoire est en route ! Le 18 avril 1908, les 11 premiers médecins-chefs titulaires des laboratoires d’électroradiologie furent nommés. Le 12 janvier 1909, Antoine Béclère fonda, avec 11 autres collègues, la Société Française de Radiologie Médicale de Paris, actuelle Société Française de Radiologie et d’Imagerie Médicale (SFR).