L’état des lieux en France du dépistage du cancer bronchopulmonaire

Radiologie

L’état des lieux en France du dépistage du cancer bronchopulmonaire

Auteur(s) : 
François Laurent

Le cancer bronchopulmonaire (CBP) est la première­ cause de décès par cancer. La chirurgie à un stade précoce assure une survie à 5 ans de plus de 70 %, alors que, malgré les progrès théra­peu­tiques considérables des CBP à un stade avancé et/ou métastatique, la survie à 5 ans est de l’ordre de 15 %. Ce cancer a une longue période de développement préclinique pendant laquelle il est décelable par l’imagerie et il est donc un excellent candidat au dépistage. Les analyses biologiques et génétiques n’ont pour l’instant pas démontré leur utilité dans le dépistage ou la sélection des patients à risque devant bénéficier d’une imagerie.

L’inefficacité de la radiographie thoracique est aujourd’hui­ clairement établie. L’efficacité du scanner volumique basse dose a été démontrée par une étude multicentrique randomisée nord-américaine NLST publiée en 2011. La mortalité spécifique par CBP était réduite de 20 % dans une population à risque : personnes­ de 55 à 74 ans, fumeurs ou ex-fumeurs à plus de 30 paquets-années ayant arrêté leur tabagisme depuis moins de 15 ans. Les études européennes DLST (Danish Lung cancer Screening Trial), DANTE (Detection and screening of early Lung cancer by Novel imaging Technology and molecular Essays), ITALUNG (Italian Lung Cancer CT screening Trial), MILD (Multicentric Italian Lung Detection), UKLS (United Kindom Lung Cancer Screening Trial) n’étaient statistiquement pas suffisamment puissantes pour pouvoir conclure. Les résultats de l’étude NELSON (Nederlands-Leuven Screening ONderzoek), incluant­ 15.448 personnes ont été révélés en septembre 2018 au congrès WCLC 2018, Toronto : l’utilisation du dépistage par scanner chez les hommes à risque élevé de cancer du poumon a entraîné une réduction de 26 % (9 à 41 %, IC 95 %) des décès par cancer du poumon après 10 ans de suivi. La réduction de la mortalité par CBP dans cette cohorte était encore plus importante et significative chez les femmes que chez les hommes.

Radiologie

Fig. 1. Adénocarcinome bronchique. Nodule de 8 mm solide chez un sujet de 54 ans ayant un tabagisme de 38 paquets-années.

Depuis la publication des résultats du NLST, de nombreuses recommandations et avis d’experts ont été publiés. La majorité des recommandations proposent la mise en place d’un dépistage du CBP par scanner thoracique basse dose mais dans des conditions strictes et encadrées, en particulier en ce qui concerne la population cible. La position européenne sur le dépistage a été récemment précisée dans un article du Lancet Oncology de 2017 et rejoint ces recommandations. En France, la Haute Autorité de Santé (HAS) avait commissionné un groupe d’experts en 2016 pour réaliser une revue de la littérature sur l’efficacité, l’acceptabilité et la sécurité du dépistage du cancer broncho-pulmonaire par scanner thoracique basse dose chez les sujets fortement exposés au tabac. À l’issue de ce travail, la HAS avait considéré qu’un seul essai en faveur d’une efficacité du dépistage était un niveau de preuve insuffisant pour le recommander dans la population définie par les critères du NLST, la balance béné­fice-risque n’étant pas connue. Ce positionnement devra au minimum être rediscuté à la lumière du résultat de l’étude NELSON. Toutefois, la littérature de la dernière décennie a permis de mettre en lumière toutes les difficultés et effets délétères possibles d’un dépistage. Une meilleure définition des populations à risque pouvant bénéficier du dépistage est essentielle pour faire pencher la balance bénéfice-risque en faveur du bénéfice souhaitable. Dans cette optique, une expérimentation chez les sujets exposés ou ayant été exposés professionnellement à des agents cancérogènes pulmonaires, l’étude LUCSO (French pilot trial of LUng Cancer Screening with low-dose computed tomography in a population exposed to Occupational lung carcinogens), dont les objectifs sont d’évaluer la faisabilité du dépistage et son acceptabilité par la population, va débuter prochainement. Ce projet a reçu le soutien de l’INCa.

La maîtrise de l’irradiation, la politique d’arrêt du tabagisme pour les fumeurs actifs, l’harmonisation de la définition et du suivi des anomalies découvertes sur les scanners, la structuration de la prise en charge des lésions détectées au cours de réunions multidisciplinaires (pneumologues, chirurgiens thoraciques, radiologues, médecins nucléaires, pathologistes, généralistes, tabacologues, épidémiologistes, médecins du travail), le contrôle qualité à toutes les étapes du dépistage, l’évaluation de l’importance du surdiagnostic et l’évaluation médico-économique sont autant de questions auxquelles il convient d’apporter des réponses. L’implication de la radiologie est essentielle dans ces actions.


François Laurent
Université de Bordeaux, CHU de Bordeaux, INSERM U1045

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