Le rôle du manipulateur en imagerie forensique

Reconstruction 3D VRT et coupe axiale du thorax (porte d’entrée d’un impact de chevrotine sur une TS).

Le rôle du manipulateur en imagerie forensique

Auteur(s) : 
Christine MERLE
Samuel GUIGO
Ousmane Aminata BAH
Douraied Ben Salem

L’idée de pouvoir « voir à travers » les tissus fascine. Le scanner ou l’imagerie dite « en coupe » constitue désormais un outil essentiel dans le diagnostic de nombreuses maladies. Cette technique d’imagerie non invasive propose une multitude d’applications, allant de l’investigation clinique à la recherche en passant par l’interventionnel et la thérapie. Depuis quelques années, une nouvelle application lui a été trouvée : l’imagerie thanatologique dans l’étude des sciences forensiques. En effet, il est désormais un outil efficace dans l’étude des faits criminels ou des morts inexpliquées. Il apporte des renseignements essentiels et nécessaires à l’élaboration de conclusions dans les cas complexes (corps calcinés, corps putréfiés, identification). Dans ce processus d’imagerie post-mortem, le manipulateur radio joue un rôle central dans l’acquisition et la reconstruction des images. Son expertise est indispensable pour permettre au radiologue de disposer d’un examen de qualité.

Le manipulateur radio et l’imagerie forensique

La radiographie conventionnelle

Avant l’arrivée des nouvelles techniques d’imagerie moderne (scanner/IRM), la radiographie conventionnelle est longtemps restée la technique de référence dans l’imagerie forensique. On utilisait le pouvoir pénétrant des rayons X pour explorer les corps.

Un bilan complet pouvait être réalisé à la recherche de probables causes :

  • radiographies des membres (fracture, corps étranger), et rachis cervico-dorso-lombaire ;
  • radiographies pulmonaire (hémo/pneumo thorax) et de l’abdomen ;
  • trois incidences de crâne.

La radiographie standard est encore utilisée pour l’étude de la cause de mort in utero des fœtus. On réalise alors une radiographie face et profil du fœtus entier. Le manipulateur est directement impliqué dans l’examen puisqu’il manipule le corps ou les membres à la recherche de la bonne position pour réaliser des radiographies se rapprochant des incidences standard. Sa capacité d’adaptation est ici primordiale.

Ces radiographies peuvent être alors confrontées à un atlas pour estimer par exemple l’âge osseux à partir des dents ou de la longueur des os.

La tomodensitométrie

Aujourd’hui, le scanner multi-coupes (+/- couplé à un angioscanner multiphase post-mortem) a très largement remplacé les longues et fastidieuses séances de radiographies standard. Il possède de nombreux avantages dans l’élaboration du juste diagnostic de la mort. Un protocole a donc été établi pour explorer le plus largement possible les différentes causes de mort inexpliquée (Scanner en Pratique - SFR 2015 (Maj 04/10/2016)).

Au CHRU de Brest, un scanner est disponible et dédié à 100% à l’étude thanatologique. Il a été optimisé dans ce but. La prise en charge des corps a été protocolée en collaboration avec l’Unité Médico-Légale (UML) et le manipulateur radio en est le premier coordinateur.

Suite à une réquisition émise par un officier de police judiciaire sur instruction du procureur de la République, la demande d’exploration scanographie est transmise au radiologue, qui donne alors son accord. Il en informe le manipulateur radio, préposé à l’exploration de médecine légale (au CHRU de Brest, une équipe de 7 manipulateurs réalise ces examens).

Le manipulateur prend alors contact avec le service d’UML et la chambre mortuaire, qui a auparavant réceptionné et conditionné le corps. Il s’occupe de préparer le scanner pour accueillir la dépouille (chauffe du tube, calibration, formalités administratives).

Pour ne pas troubler la vie des usagers de l’hôpital, le scanner dédié a été stratégiquement installé au plus près de la chambre mortuaire, ce qui limite considérablement les transferts du corps. Une fois le corps acheminé, le manipulateur, aidé par le personnel de la chambre mortuaire, positionne le corps sur la table du scanner qui a été conçu pour pouvoir, dans la majorité des cas, explorer le corps entier. Il réalise alors le protocole suivant :

  • Pour un corps dont l’identité est confirmée :
  • Topogramme face et profil corps entier ;
  • Acquisition crâne et rachis cervical ;
  • Acquisition thorax-abdomen-pelvis et membre inférieur (selon morphologie du corps).
  • Pour un corps dont l’identité n’est pas confirmée (putréfaction, calcination) :
  • Topogramme face et profil corps entier ;
  • Acquisition crâne et rachis cervical ;
  • Acquisition thorax-abdomen-pelvis et membre inférieur en entier ;
  • Dentascan.

Il réalise ensuite une série de reconstructions dont le radiologue pourra disposer pour la réalisation de son compte-rendu :

  • Reconstruction fenêtrage osseuse dans les trois plans orthogonaux : recherche de fracture, de corps étranger.
  • Reconstruction parenchymateuse pulmonaire : hémothorax, pneumothorax.
  • Reconstruction fenêtre médiastinale : études du cœur, des partie molles, du parenchyme cérébral (hématome sous-duraux, HSA traumatique).
  • Reconstruction 3D en rendu volumique surfacique (3D VRT) (Fig. 1).

Le radiologue réalise alors un compte rendu dans lequel il rapporte toutes les observations qu’il a pu faire. Un examen du corps, voire une autopsie, peut être dans certains cas réalisée. Les constatations du radiologue viennent alors appuyer les observations faites par le médecin légiste.

Limites

Cette technique connaît ses limites. En effet, l’état des cadavres et dépouilles (putréfaction, calcination, déformation) ne permet pas tout le temps au manipulateur de réaliser entièrement le protocole (Fig 2). Il faut alors user d’astuces et de patience pour obtenir des images les plus proches de plans orthogonaux de référence.

Conclusion

L’imagerie forensique constitue un réel atout dans l’élucidation de morts inexpliquées. Dans ce processus passionnant et fastidieux, le manipulateur radio joue un rôle central. Sa capacité d’adaptation permet au radiologue de disposer d’images de qualité pour la réalisation du diagnostic de mort. Son rôle de coordinateur dans la réalisation des examens en fait l’une des pièces maîtresses de l’imagerie forensique.

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Figure 1. Reconstruction 3D VRT et coupe axiale du thorax (porte d’entrée d’un impact de chevrotine sur une TS).

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Figure 2. Nombreux fragments osseux provoqué par des coups de feu : difficulté de réalisation des reconstructions (a). Topogramme de face (b). Décapitation et amputation bi-fémorale (corps calciné) – Impossibilité de réalisation d’un dentascan à la recherche de l’identité du corps.


Christine MERLE, Samuel GUIGO, Ousmane Aminata BAH, Douraied BEN SALEM
Service d’Imagerie Médicale, CHRU Cavale Blanche, Brest