Imagerie post-mortem en France : état des lieux

Thanatologie

Imagerie post-mortem en France : état des lieux

Auteur(s) : 
Eric Dumousset
Valérie Souffron
Francesco Macri
Douraied Ben Salem
Guillaume Gorincour
Fabrice Dedouit
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Figure 1 : reconstruction 3D en mode VRT (Volume Rendering Technique) d’un examen tomodensitométrique post mortem sans injection de produit de contraste ; vue postérieure de l’étage cranio-cervical. Contexte de piéton heurté par un véhicule, dans le cadre d’un accident de la voie publique. Mise en évidence d’une luxation C0-C1.

L'objectif princeps de la médecine légale thanatologique est la découverte des causes de la mort. Pour cela, elle bénéficie aujourd'hui de presque toutes les grandes avancées techniques médicales : génétique, toxicologique, anatomo-pathologique, biochimique et radiologique. L'autopsie virtuelle n'a pas pour objectif de remplacer l'autopsie médico-légale classique, mais d'apporter des informations complémentaires parfois difficiles à mettre en évidence à l'autopsie. Elle présente plusieurs avantages : c'est une méthode non invasive qui n'interfère pas sur l'autopsie; elle permet la réinterprétation a posteriori; les données sont transférables électroniquement; le rendu iconographique est démonstratif, non sanglant, particulièrement pour la localisation spatiale des corps étrangers ou pour l'étude de la trajectoire intracorporelle des agents vulnérants (projectiles,...).

Aujourd'hui, le scanner et l'IRM post-mortem sont devenus presque routiniers dans de nombreux pays à travers le monde, aussi bien en pratique adulte que pédiatrique mais également en anthropologie. En 2012 une nouvelle société voit le jour, l'ISFRI (International Society of Forensic Radiology and Imaging, www.isfri.org) qui se dote d'une revue dédiée, le JoFRI (Journal Of Forensic Radiology and Imaging) qui se donne pour missions d'harmoniser à l'échelle internationale l'offre de service dans ce domaine, de mettre en place une nomenclature internationale consensuelle et de développer les bonnes pratiques ainsi que la formation initiale et continue en imagerie médico-légale. La formation ouverte aux radiologues commence à s'étoffer au plan national par les biais de journées de formation, de sessions lors des congrès nationaux, d'ateliers pratiques et de diplômes universitaires. Une vision pédagogique de cette nouvelle orientation radiologique est indispensable et permettra d'établir, avec les publications internationales, le cadre réglementaire et scientifique.

Les indications en imagerie post-mortem commencent à être bien cernés maintenant avec le recul d'une dizaine d'années d'expérience de certaines équipes et la place et le rôle relatifs précis de l'imagerie en coupes post-mortem vis-à-vis de la médecine légale classique s'affinent avec le temps. L’examen tomodensitométrique post-mortem sans injection est remarquablement efficace pour le bilan des lésions osseuses, ainsi que pour la recherche d'épanchements gazeux anormaux, pleuraux ou abdominaux. A la suite de la création d'un nouveau groupe de travail au sein de la SFR (le G.R.A.V.I.T: "Groupe de Recherche en Autopsie virtuelle et Imagerie Thanatologique") en octobre 2014, plusieurs fiches pratiques ont été rédigées en 2015 sous l'égide de la SFR. Le scanner post-mortem joue également un rôle croissant dans les problématiques d'identification. La réalisation de d’examens tomodensitométriques post-mortem avec injection de produit de contraste (angioscanner) commence à être bien codifiée, notamment grâce aux travaux du groupe international TWGPAM (Technical Working Group Postmortem Angiography Methods, www.twgpam.org).

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Figure 2 : reconstruction 3D en mode VRT (Volume Rendering Technique) d’un examen tomodensitométrique post-mortem avec injection de produit de contraste à un temps artériel ; vue latérale du système cardio-vasculaire. Contexte de mort naturelle au domicile. Mise en évidence d’une dissection aortique débutant à la racine de l’aorte thoracique ascendante, jusqu’au niveau iliaque, avec l’absence d’opacification du faux chenal (flèche) à partir de la jonction aortique thoraco-abdominale, en rapport avec une thrombose de ce dernier.

Sur le plan organisationnel, la généralisation de la pratique des examens tomodensitométriques post-mortem reste délicate dans les hôpitaux français. Elle suppose une excellente collaboration entre les services de radiologie et de médecine légale car aucun texte national juridique tel que le Code de Procédure Pénal ne prévoit un cadre officiel pour ces examens, notamment pour leur financement. Le Code de Procédure Pénal est en effet malheureusement très en retard concernant l’imagerie post-mortem en n’intégrant que le coût des radiographies post-mortem en différenciant les radiographies standard réalisées sur cadavre frais et sur cadavre putréfié, avec une cotation s’élevant respectivement à Z20 et Z30.

La collaboration entre les deux services d'imagerie et de médecine légale repose donc le plus souvent sur les personnes et sur les liens humains forts. L’implication active et enthousiaste des manipulateurs d'électroradiologie médicale, indispensable à la réussite et à la pérennité de cette organisation.

De nombreux enjeux pratiques se posent : transport des cadavres, accessibilité des machines ... qui seront résolus au cas par cas, en fonction de l'architecture pavillonnaire ou monobloc de l'hôpital, de la présence éventuelle d'un scanner dédié aux urgences ou à la recherche sur animal ... Il est capital d'assurer un excellent dialogue avec les magistrats instructeurs et le parquet (services du Procureur de la République) et de les informer de la possibilité de ces examens d'imagerie destinés à remplacer les clichés standard bien souvent moins informatifs. Ces examens, dont la tarification n'est pas prévue par la réglementation nationale obsolète du Code de Procédure Pénale, peuvent cependant être payés aux services de radiologie ou de médecine légale via des conventions locales établies entre le service (ou l'établissement) et le Tribunal de Grande Instance, ou parfois la Cour d'appel. L'inconvénient de ces accords locaux est l'absence d'homogénéité des tarifs d'examen : ces tarifs doivent comprendre un forfait technique pour l’établissement (hôpital ou clinique), et un acte intellectuel. En effet, ces examens, comme les autres examens complémentaires, n'ont pas été englobés dans l'enveloppe semestrielle forfaitaire attribuée par le ministère de la Justice aux structures de médecine légale depuis la réforme de la médecine légale de 2011, et doivent être payés en sus au cas par cas, par le biais de "mémoire de frais".

La réalisation des examens d'imagerie en coupe se faisant le plus souvent sur des appareils destinés à la clinique, il importe d'éviter aux patients de croiser le passage des corps, ce qui suppose souvent d'organiser ces examens en dehors des heures ouvrables et pose des difficultés organisationnelles supplémentaires. L'usage systématique de housses mortuaires radio transparentes pour isoler été envelopper les corps évite tout contact direct lors des manipulations et tout risque de contamination de la salle par des écoulements biologiques. En conclusion, la généralisation de la pratique des examens tomodensitométriques post-mortem reste délicate dans les hôpitaux français et les difficultés rencontrées sont principalement de quatre ordres : ressources humaines, ressources matérielles, valorisation des actes et formation.


Pour le Groupe de Recherche en Autopsie Virtuelle et en Imagerie Thanatologique (GRAVIT)

 

E Dumousset
Service de radiologie et imagerie médicale, CHU Gabriel Montpied, CLERMONT-FERRAND

V Souffron

Service Général des Sciences Sociales, Centre Sorbonne, PARIS

F Macri
Service de radiologie et d’imagerie médicale, CHU Carémeau, NIMES

D Ben Salem
Service de radiologie et d’imagerie médicale, CHU La Cavale Blanche, BREST

G Gorincour
Service de radio-pédiatrie, CHU La Timone, MARSEILLE

F Dedouit
Unité d’Imagerie et d’Anthropologie Forensiques, Centre Universitaire Romand de Médecine Légale, LAUSANNE – GENEVE, SUISSE