La part croissante des examens et des gestes radiologiques réalisés par des non-radiologues pose un véritable défi à la Société suisse de radiologie (SGR-SSR). En effet, en Suisse, environ 85% des échographies, 43% de l’imagerie et des interventions sous contrôle radioscopique (par ex. angiographies) et 40% des radiographies conventionnelles sont effectués par des non-radiologues. Par contre, la réalisation et l’interprétation des scanners, des IRM ainsi que des mammographies restent encore entièrement aux mains des radiologues.
Cadre juridique
Trois éléments permettent de déterminer les techniques d’imagerie médicale que chaque catégorie de médecins a le droit d’employer : 1. la loi fédérale sur la radioprotection, 2. les concepts de formation postgraduée des différentes spécialités médicales et 3. la grille nationale de rémunération des prestations médicales (structure tarifaire TARMED).
Les techniques utilisant les rayonnements ionisants
L’utilisation des rayonnements ionisants à des fins médicales est réglementée par la loi suisse sur la radioprotection. Seules les personnes ayant la qualité d’expert sont autorisées à exploiter les installations radiologiques dans le domaine de la radiologie à faibles doses (clichés du thorax et des extrémités). Par « qualité d’expert », on entend le fait de disposer d’une connaissance approfondie de l’utilisation sûre des rayons ionisants, de leurs effets sur l’être humain, et de la législation sur la radioprotection, et la capacité d’appliquer cette législation au quotidien. Le diplôme suisse de médecine autorise à utiliser les rayons X sur le thorax et les extrémités périphériques uniquement. Concrètement, cela signifie que tout médecin titulaire d’un diplôme de médecine helvétique ou équivalent peut réaliser des radiographies du thorax et des extrémités et les facturer à l’organisme de prise en charge (caisse maladie ou assurance).
En revanche, les applications radiologiques à fortes doses (radiographies de la colonne vertébrale, de l’abdomen et du bassin, radioscopies) requièrent une formation postgraduée complémentaire pour acquérir ce que l’on appelle les « qualifications techniques ». En tout état de cause, la validation d’un cours de radioprotection auprès de l’Office fédéral pour la santé publique (OFSP) est un prérequis. Dans certaines spécialités médicales, les qualifications techniques s’acquièrent par l’obtention d’un module complémentaire au titre de médecin spécialiste (par ex. rhumatologie, orthopédie, urologie, gastroentérologie, cardiologie et angiologie). Pour les autres disciplines, il est possible de valider des certificats techniques en dehors du cursus. Ainsi, un médecin généraliste ayant acquis les qualifications techniques nécessaires peut réaliser des examens radiologiques à forte intensité de dose et facturer ces prestations à l’assurance maladie ou l’assurance-accidents. De la même manière, les spécialistes disposant des qualifications techniques correspondantes seront habilités à pratiquer et à facturer des gestes diagnostiques ou thérapeutiques de radiologie interventionnelle sous contrôle radioscopique.
La tomodensitométrie et la mammographie font ici exception : la réalisation et l’interprétation de ces examens sont réservées aux radiologues. Conformément à la structure tarifaire actuelle, seuls les radiologues peuvent facturer ces examens.
Échographies, IRM
Les échographies peuvent être pratiquées et facturées par tout médecin spécialiste ayant acquis les qualifications techniques automatiquement avec son diplôme, ou en validant un certificat technique.
Pour l’instant, la réalisation des IRM reste l’apanage des spécialistes en radiologie. Tout médecin titulaire du titre de spécialiste en radiologie est autorisé à facturer la réalisation et l’interprétation d’une IRM à l’assurance-maladie ou l’assurance-accidents.
La réalisation d’examens radiologiques et d’interventions guidées par l’imagerie médicale par des non-radiologues : un défi auquel il nous faut répondre
En Suisse, bien que le travail des radiologues soit protégé par la loi et la structure tarifaire, certaines disciplines cliniques revendiquent de plus en plus le droit de manier elles-mêmes les techniques de l’imagerie médicale. La SGR-SSR estime que nous pouvons contrer cette tendance et renforcer la position de la radiologie grâce aux approches suivantes.
Utilisation plus efficiente et économique des appareils
Certaines techniques d’imagerie nécessitent une infrastructure coûteuse. Afin de pouvoir être exploitées de façon rentable, ces installations exigent une bonne répartition de la charge et des procédures adaptées. Fort de sa longue expérience avec les procédures numérisées (notamment RIS et PACS) et la standardisation des méthodes de travail, le secteur de la radiologie bénéficie ici d’un avantage par rapport aux autres disciplines cliniques.
Service
Si certaines disciplines cliniques insistent pour exploiter elles-mêmes les techniques d’imagerie, et ainsi faire le travail des radiologues à leur place, ces velléités dépendent avant tout de ce que la radiologie a à offrir en termes de compétence et de qualité. Aussi, les instituts radiologiques doivent s’employer à ce que les patients bénéficient d’un accès immédiat à l’ensemble des examens radiologiques, et à ce que les médecins prescripteurs reçoivent les résultats dans les meilleurs délais. En outre, certains types d’imagerie devraient bénéficier d’un service professionnel 24 heures sur 24. Bien que la mise en place d’un tel service de garde soit compliquée, et pénible pour le personnel concerné, il s’agit d’un élément central si l’on veut renforcer la légitimité de la radiologie en milieu clinique.
Compétence
Les cliniciens seront plus enclins à accepter la pratique d’examens diagnostiques et d’interventions guidées par l’imagerie s’ils sont traités « d’égal à égal » par le radiologue et que ce dernier fait preuve de compétence dans la réalisation et l’interprétation des actes. C’est pourquoi la sous-spécialisation au sein de la radiologie et l’implication active de notre discipline dans la collaboration interdisciplinaire revêtent une grande importance. La radiologie ne pourra garder son rang que si les cliniciens attribuent une valeur ajoutée au fait que l’examen ou l’intervention soit réalisé par un radiologue.
Accès direct aux patients
La radiologie est une spécialité qui travaille sur prescription, un modèle attractif dont le succès perdure encore aujourd’hui. Cependant, travailler sur prescription comporte le risque que la radiologie ne soit pas perçue comme une spécialité clinique à part entière par les patients. Cela rend la radiologie vulnérable face à des spécialités cliniques qui voudraient s’approprier ses méthodes, d’où l’importance de se positionner de manière autonome vis-à-vis de la patientèle.
Participation active à l’élaboration des lois et des ordonnances aux côtés des autorités, rôle d’expert dans les négociations tarifaires
La législation sur la manipulation des rayonnements ionisants et des champs magnétiques offre à la radiologie une autre occasion de conforter sa position. Pour cela, il est essentiel de s’impliquer activement dans les travaux et les consultations sur ces lois et ordonnances, afin que la législation reconnaisse les compétences des radiologues notamment en matière de radioprotection. Une autre approche consiste à fixer ses propres standards de qualité au moyen d’audits cliniques reconnus par les autorités. Les activités susmentionnées ainsi que le rôle d’expert dans les négociations tarifaires font partie des missions importantes qui incombent aux sociétés de discipline nationales. La Société suisse de radiologie est très engagée dans ces domaines. Elle veut également « bâtir des ponts » reliant la radiologie aux autorités politiques et aux assureurs, dont les décisions ont une influence considérable sur l’activité des radiologues.
Dominik WEISHAUPT
Président de la Société suisse de radiologie (SGR-SSR)