Évolution de la place de l'échographie en urgence : le radiologue doit garder sa place et apporter sa compétence

Évolution de la place de l'échographie en urgence : le radiologue doit garder sa place et apporter sa compétence

Auteur(s) : 
Kathia Chaumoître

Près de la moitié des patients reçus aux urgences (SAU) bénéficient d’une imagerie. L’échographie est pratiquée chez 3 à 5% des patients.

Malgré la place importante et croissante du scanner dans les urgences abdominales de l’adulte, les indications reconnues d’échographies en urgences sont encore fréquentes : FAST écho chez le polytraumatisé, pathologies biliaires, douleurs abdominales chez le patient jeune et mince, pathologie pelvienne chez la femme, scrotum aigu… Chez l’enfant, l’échographie est l’examen clé de la douleur abdominale et le scanner doit rester exceptionnel. Dans ces indications, l’échographie est très performante et permet à elle seule un diagnostic pertinent tout en étant non irradiante.

L’organisation de la permanence de soins (PDS) en imagerie est complexe notamment en CHG et dans les petites structures. La téléradiologie est en plein essor permettant d’alléger la pénibilité de la PDS (images disponibles au domicile du radiologue, groupement de plusieurs centres pour la PDS, appel à des entreprises privées de téléradiologie…). Cette téléradiologie n’est pas adaptée aux demandes d’échographie 24/24 et il est nécessaire d’anticiper cette évolution pour que l’échographie garde sa place et que les radiologues gardent leur compétence.

Une étude de la FIU en 2016 portant sur l’échographie en urgence conforte ce constat. Quarante-huit centres avec SAU ont répondu (10 CHU, 12 CHG, 26 structures privées). On note une baisse nette du nombre d’échographie en soirée (20h-minuit) et nuit profonde (après minuit) avec 60% des sites ne faisant pas d’échographie en nuit profonde. Pour une même indication, la prise en charge en imagerie va varier selon l’heure avec, au mieux, le report de l’échographie aux heures ouvrables mais aussi, malheureusement, le remplacement d’une échographie bien indiquée par un scanner abdominal pas toujours indiqué et surtout irradiant.

Quelques exemples :

  • Douleur abdominale chez l’enfant : 100% d’échographie en 1ere intention en journée, écho différée au lendemain dans 8% des demandes en soirée et dans 33% des demandes en nuit profonde. Ce délai de réalisation peut être préjudiciable à l’enfant dans certaines pathologies urgentes (invagination, volvulus du mésentère)
  • Suspicion d’appendicite chez la femme jeune ou le sujet mince : 94% d’échographie en 1ère intention dans la journée (scanner d’emblée dans 6%), 17% de scanner d’emblée en soirée, échographie différée au lendemain dans 38% des cas en nuit profonde et scanner d’emblée dans 20% des cas en nuit profonde.
  • Scrotum aigu : échographie sans retarder la prise en charge dans 85% des cas en journée et dans 62% des cas en nuit profonde.

Parallèlement à cette évolution dans les services d’imagerie, on note un développement croissant de l’échographie faite par les urgentistes dans les SAU (échoscopie). Les SAU s’équipent d’appareils d’échographie (50% des services dans notre étude) et les urgentistes se forment (Diplôme d’échographie appliquée à l’urgence (EAU) le plus souvent). L’utilisation de l’échoscopie est un prolongement de l’examen clinique avec des buts très ciblés : pose de voie veineuse, guidage de ponction, état hémodynamique, globe vésical, hémopéritoine...

Pistes de réflexion pour garder les bonnes indications de l’échographie en urgence et maintenir la compétence radiologique notamment vis-à-vis des plus jeunes :

  • Les urgentistes sont présents 24/24 et il est donc légitime qu’ils soient capables de compléter leur examen clinique par une échoscopie à condition d’avoir une formation adaptée et de connaitre leurs limites. La SFMU (Société Française de Médecine d’Urgence) a publié des recommandations sur ce sujet.
  • Il est indispensable de garder les indications reconnues de l’échographie 24/24 surtout concernant la pédiatrie. Les urgences pédiatriques doivent être reçues dans des centres capables d’assurer ces échographies 24/24.
  • Les manipulateurs en radiologie, après une formation adaptée (DIU d’échographie), ont la possibilité de réaliser certaines échographies dans un cadre administratif strict validé par l’HAS. Ces accords de délégation de tâche se développent progressivement sur la base du volontariat avec dans la grande majorité des cas des manipulateurs très motivés. Il faut que cette nouvelle organisation ne se fasse pas au détriment de la formation des jeunes radiologues mais en synergie. Ces accords sont essentiellement utilisés pour des échographies programmées et protocolisées.
  • La formation des jeunes radiologues à l’échographie doit rester une priorité dans toutes les structures universitaires pour garder la compétence et l’expertise et ne pas accepter un glissement abusif vers le « tout scanner ».
  • C’est le rôle de la SFR et de ses groupes de travail de tenir à jour les bonnes indications de l’échographie en urgence.

Kathia Chaumoître
Responsable de la Fédération Imagerie Urgences (FIU)