Dépistage de cancer bronchique

Cancer bronchique

Dépistage de cancer bronchique

Auteur(s) : 
Gilbert Ferretti

Le pronostic du cancer bronchique découvert dans le cadre de la pratique clinique reste médiocre et pratiquement inchangé depuis 30 ans, malgré les progrès dans les domaines de la chirurgie, de la radiothérapie et de la chimiothérapie. La découverte tardive du cancer bronchique est la cause principale de ces résultats thérapeutiques globaux médiocres.

Le cancer bronchique est la première cause de décès par cancer et le quatrième cancer par ordre d’incidence. La chirurgie à un stade précoce assure une survie à 5 ans de plus 70 %, alors qu’elle est de l’ordre de 15 % tous stades confondus. Le cancer bronchique a une période de développement préclinique longue pendant laquelle il est décelable par l’imagerie.

Les seuls espoirs d’amélioration du pronostic reposent sur la détection des cancers à un stade précoce chez les patients à risque de cancer. La radiographie thoracique a montré son inefficacité dès les années 1970 dans plusieurs études randomisées.

L’étude randomisée américaine National Lung Screening Trial (NLST), comparant la détection annuelle 3 ans de suite par scanner ou par radiographie, sur plus de 53 000 personnes à risque de cancer (sujets fumeurs ou ex-fumeurs de 55 à 70 ans avec un tabagisme de plus de 30 paquets-années), a montré une réduction de mortalité spécifique de 20% dans le bras scanner. Ces résultats demandent à être confirmés par d’autres études, et en particulier l’étude Néerlandaise Nelson, dont les résultats doivent être publiés en 2016-2017. Le résultat du NLST a soulevé beaucoup d’espoirs mais également d’interrogations quant à son application à la population générale. Les buts du dépistage par scanner sont de maximiser la détection des nodules vrais positifs (cancers), minimiser la détection des nodules faux positifs, réduire les prises en charge invasives injustifiées, éviter les irradiations répétées, éviter de stresser le sujet dépisté inutilement. Le dépistage par scanner thoracique est envisagé différemment en fonction des études.

L’irradiation délivrée par le scanner faible dose sans injection est < 1,5 mSv (soit l’équivalent de 6 mois d’irradiation naturelle), mais cette faible irradiation est malgré tout à l’origine d’un excès de risque de cancer, puisque le principe d’un effet carcinogène linéaire sans seuil et du caractère cumulatif des effets des rayonnements X est admis. Les modèles ont cependant montré que l’excès de risque de cancer est très inférieur au nombre de cancers du poumon évités dans une population à risque (Berrington de González A, Kim K, Berg CD. Low-dose lung CT screening before age 55: estimates of the mortality reduction required to outweigh the radiation-induced cancer risk. J Med Screen 2008;15(3):153-8.).

Gestion des nodules découverts

Les critères de l’étude NELSON, basés sur la volumétrie tumorale et le contrôle scanner précoce, permettent de réduire le nombre de positifs et de faux positifs. Ils sont actuellement repris dans de nombreuses études. Les personnes considérées comme positives pour le dépistage étaient celles dont le scanner comportait au moins 1 nodule non calcifié de diamètre ≥ à 10 mm ou 500 mm3, et les indéterminées avaient un nodule compris entre 50 et 500 mm3 de volume (5 à 10 mm de diamètre). Les dépistés immédiatement positifs avaient une prise en charge dictée par la RCP (réunion de concertation pluridisciplinaire). Pour les personnes avec un nodule indéterminé, un scanner était réalisé au moins 3 mois plus tard et permettait de séparer les nodules suspects de malignité (secondairement positifs) avec un volume augmenté d’au moins 25 % (temps de doublement < 400 jours), des autres nodules, considérés comme bénins (augmentation de volume < 25 % et temps de doublement > 400 jours). La présence d’un nodule de volume inférieur à 50 mm3 n’était pas considérée comme un négatif, et le patient était donc dirigé vers la poursuite du dépistage.

Dans notre pays, un groupe de travail multidisciplinaire piloté par l’Intergroupe francophone de cancérologie thoracique (IFCT) a publié des recommandations pour la mise en place d’un dépistage à l’échelon individuel pour les sujets exposés en faisant la demande, en attendant d’autres données justifiant le dépistage de masse (Couraud S, Cortot AB, Greillier L et al. From randomized  trials to the clinic: is it time to implement individual lungcancer screening in clinical practice? A multidisciplinary statement from French experts on behalf of the French intergroup (IFCT) and the Groupe d’oncologie de langue francaise (GOLF). Ann Oncol 2013;24(3):586-97.).

Points forts du dépistage

  1. Le cancer bronchique est la première cause de décès par cancer. La chirurgie à un stade précoce assure une survie à 5 ans ≥ 70 %, alors qu’elle est de l’ordre de 15 % tous stades confondus.
  2. Le cancer bronchique a une période de développement préclinique longue pendant laquelle il est décelable par l’imagerie. les programmes les plus récents comme l’étude anglaise UKLS détectent plus de 85 % de cancers de stade pathologique I ou II, opérables
  3. Dans le cadre d’une étude de dépistage randomisée de 53000 personnes (NLST), la mortalité spécifique liée au cancer bronchique a été réduite de 20% dans le bras TDM
  4. La réduction de la mortalité repose sur des critères de sélection des personnes dépistées stricts : les personnes qui pourraient bénéficier d’un dépistage du cancer bronchique par scanner sont précisément identifiables : fumeurs ou d’anciens fumeurs entre 55 et 75 ans, ayant fumé au moins 30 PA et s’ils sont anciens fumeurs ayant arrêté leur tabagisme depuis moins de 15 ans (NLST)
  5. La technique de dépistage par scanner doit limiter la dose d’irradiation et ne nécessite pas d’injection
  6. Le risque de cancers induits par les scanners existe mais est extrêmement faible, avec 1,5 mSv par examen l’irradiation est comparable à 6 mois d’irradiation naturelle en  France. Les évolutions technologiques récentes des scanners, intégrant  des nouveaux détecteurs plus sensibles et la reconstruction itérative des images acquises, permettent de réduire cette dose d’au moins 30% à qualité égale et de se situer au-dessous du seuil de 1mSv par examen soit 3 mois d’irradiation naturelle.
  7. La définition et la gestion des positifs est précise et repose sur des algorithmes validés. les faux positifs sont beaucoup moins nombreux quand on utilise la volumétrie des nodules  (disponible en France) comme le propose l’étude européenne NELSON.
  8.  les possibilités de traitements du cancer bronchique dépisté à un stade précoce de la maladie sont validées et reposent sur la lobectomie de plus en plus réalisées par vidéochirurgie. Ces traitements chirurgicaux induisent une mortalité post-opératoire très faible et guérissent 80 à 90% des cancers dépistés.

Ce point est inspiré d’un courrier à la HAS signé

Pour SPLF François CHABOT et Alain DIDIER, pour la SFR Jean François MEDER et Jean-Pierre PRUVO, pour l’IFCT Denis Moro-Sibillot, Gérard Zalcman, et Gilbert Ferretti, pour le GOLF Jacques Margery et Fabrice Barlési et pour la SIT Jean Yves Gaubert, François Laurent et Gilbert Ferretti