Comment s’organisait la société de radiologie Il y a 100 ans. 1-Janvier

Appareil d’insufflation.

Comment s’organisait la société de radiologie Il y a 100 ans. 1-Janvier

Auteur(s) : 
Philippe Devred

En 1920 la radiologie, sous l’impulsion d’Antoine Béclère et de ses élèves, est déjà bien installée au sein des spécialités médicales, ayant prouvé son efficacité au cours de la première guerre mondiale. Son développement scientifique et professionnel s’appuie sur la Société de Radiologie Médicale de France qui « a pour but l’étude de toutes les radiations connues en physique et de leurs applications aux sciences biologiques et médicales ». Au cours du temps cette société va évoluer, se transformer et s’adapter pour devenir notre SFR actuelle.

Au 1er janvier 1920 la Société de Radiologie Médicale de France comportait 323 membres dont 56 membres étrangers (issus de 25 pays différents), témoignant déjà de son rayonnement international (1).

La Société s’appuie sur deux publications régulières pour assurer la diffusion des informations et des actualités scientifiques : les Bulletins et Mémoires de la Société de Radiologie Médicale de France, assurant les comptes rendus des séances mensuelles de la société et le Journal de Radiologie et d’Electroradiologie présentant chaque mois des articles originaux et une revue bibliographique nationale et internationale. Ces deux publications sont chacune animées par un comité de publication dans lesquels Paul Aubourg, Joseph Belot, René Ledoux Lebard jouent un rôle essentiel.

Nous vous proposons au cours de cette année d’analyser chaque mois le contenu de ces deux journaux.

 

Quelles étaient les préoccupations et évolutions scientifiques de la radiologie en 1920 ?

En janvier 1920 sont ainsi publiés le numéro 1 du tome VIII des Bulletin et Mémoires et le numéro 1 du tome IV du Journal.

1-Le numéro 1 du Journal de Radiologie et d’Electroradiologie de l’année 2020 comporte 48 pages avec 4 mémoires originaux. Deux traitent de sujets de radiothérapie : « la technique de la radiothérapie des fibro-myomes utérins » par A. Béclère et « la radiothérapie dans l’hypertrophie de la prostate » par D. Haret. Les 2 autres concernent des sujets de radiologie diagnostique : « techniques et résultats de l’exploration radiographique de profil de l’extrémité supérieure du fémur » par F. Arcelin et « le pneumopéritoine artificiel en radiodiagnostic » par L. Mallet et H. Baud

Dans le premier article, l’auteur rappelle la nécessité de réaliser systématiquement 2 incidences dans 2 plans perpendiculaires, dans l’exploration des extrémités distales des membres, pour diagnostiquer une fracture ou évaluer la qualité d’une réduction. Ce procédé a rapidement été admis « en revanche les grandes articulations, l’épaule et la hanche, ont été laissés jusqu’à ce jour en dehors de cette règle générale ». En 1918, quelques semaines avant l’armistice l’auteur met au point une technique de diagnostic et de surveillance des réductions des fractures de l’extrémité du fémur qui donne de « beaux résultats » Il déplore qu’après la fin du conflit « sauf à de rares exceptions, les fractures soient traitées comme avant la guerre » et que l’« on préfèrera payer de lourdes indemnités aux accidentés plutôt que d’utiliser logiquement la radiologie, et de traiter les fractures suivant une méthode rationnelle… » Pour réaliser les clichés qu’il recommande, le blessé est placé en décubitus (fig 1), le pied du membre concerné est maintenu par la planchette verticale d’une équerre en bois (fig 2). L’axe du col fémoral est tracé sur un cliché de face (fig 3), ce qui permet de calculer l’angulation du tube pour réaliser le profil (fig 4). La répétition rapprochée de cet examen permet de surveiller la stabilité de la réduction au cours de la consolidation.

Le deuxième article consacré au pneumopéritoine artificiel introduit en France cette technique publiée récemment en Italie. L’ensemble est présenté dans un style particulièrement optimiste en particulier en ce qui concerne la tolérance du patient ! Le matériel utilisé (fig 1, 2 et 3) et la technique de ponction sont détaillés : une percussion soigneuse préalable doit permettre de bien choisir le lieu de ponction, à gauche de l’ombilic. Les contre-indications sont « un état général très mauvais, lipothymique empêchant tout examen prolongé et fatigant, et les états pathologiques aigus d’un organe abdominal ».

L’insufflation d’oxygène se fait lentement avec une pression contrôlée et est parfaitement supportée. Les radiographies suivant les positions illustrées (fig 4-9) sont effectuées dans les 2 heures. Les postions proposées impliquent une acceptation totale du patient et rappellent un peu, pour ceux qui l’ont pratiqué, l’examen du colon en double contraste.

Les résultats attendus sont présentés par des schémas et par une planche de 4 clichés Le risque de l’examen est d’emblée balayé : « il n’expose le sujet à aucun danger, à aucun inconvénient sérieux » et « donne à l’examen de l’abdomen un intérêt notablement accru ». Une planche de quatre radiographies montre les résultats obtenus (fig 10).

La vie scientifique en radiologie, à travers les réunions mensuelles des membres de la société et les publications de 2 revues est très active, entretenue par un petit groupe. Les domaines d’intérêt sont variés ouvrant la porte à l’étude de toutes les radiations, ondes et différentes énergies.

Références :

1920- Bulletins et Mémoires de la Société de Radiologie Médicale de France Tome VIII pages 6-11.

Un fait clinique concernant une radiographie de pneumoconiose anthracosique parfaitement tolérée est présenté ainsi qu’une note pratique sur une incidence permettant l’étude du maxillaire inférieur.

Le numéro se termine par l’analyse de 63 articles concernant le radiodiagnostic mais aussi la radiothérapie, les substances radioactives, la lumière et l’électrologie. Ces articles sont issus en partie de revues internationales ; espagnole, nord-américaine, anglaise, allemande, italienne…

 

2-Le numéro 1 des Bulletins et Mémoires de la Société de Radiologie Médicale de France rapporte la séance du 13 janvier de la Société, présidée par le Dr Belot. 5 présentations ont été effectuées, chacune suivie d’une discussion intégralement retranscrite. Les sujets abordés sont variés mais il est un particulièrement intéressant :

« La protection du malade et du médecin avec le matériel de Coolidge » par Henri Beclère. Cette communication est effectuée peu après le décès par électrocution d’un radiologue F. Jaugeas. La présentation est centrée sur la qualité des installations de radiologie : un espace suffisant (pièce de 6m sur 4m) (« le temps n’est plus où l’on reléguait la radiographie dans une cage d’escalier »), avec une attention particulière à l’alimentation électrique qui doit être reliée à la terre, éviter le carrelage sous la table et les pieds du radiologue (remplacé par du bois). Puis l’auteur aborde avec prudence ce qui va devenir le tablier de protection « permettez moi de vous présenter, sans y attacher d’ailleurs beaucoup d’importance, un vêtement en tissus métallique… placé sous la blouse… il pèse moins de 400 g et me parait peu encombrant ; il peut être relié à la terre ». Dans les discussions vives qui suivent en particulier sur le fait de tout relier à la terre Antoine Béclère clôt le débat par « je conseillerai aux jeunes médecins désireux de manier les RX d’apprendre d’abord les éléments d’électrologie et de radiologie de manière à ne pas manier les appareils en question comme un orgue de barbarie ou un moulin à café ».

Les autres sujets sont moins discutés :

« Présentation de deux clichés de luxation subtotale du carpe » survenue chez des automobilistes par retour de manivelle par R. Chaperon, l’auteur insiste sur la nécessité de l’incidence de profil.

« Utilisation du meuble d’Arsonval-Gaiffé pour l’alimentation du tube de Coolidge à radiateur » par le Dr Aubourg. Il s’agit d’adapter une installation de 1904 à l’utilisation d’un tube récent. S’ensuit une discussion très techniques à laquelle participe Antoine Beclère, Belot, Zimmern, Comombier, témoignant des connaissance physique de ces pionniers de l’imagerie.

« nouvelle méthode de repérage des corps étrangers de l’œil par la radioscopie stéréoscopique » par Dr Cheron

« Perforation de l’œsophage et communication avec la bronche droite » par le Dr Haret mis en évidence par absorption de lait de bismuth au-dessus d’une sténose néoplasique de l’œsophage.