Je suis Chef du service d’imagerie à L’hôpital de La Ciotat (13) qui détient une maternité.
Je cherche des recommandations concernant la prise en charge en imagerie de la femme enceinte/COVID.
Nous avons été confrontés à un cas hier soir qui n’a pas posé bcp de problème : femme enceinte presqu’à terme, signes cliniques de COVID avec dyspnée au premier plan, nous avons réalisé sans trop d’état d’âme un angioscanner thoracique qui a montré des images compatibles avec un Covid 19 mais pas d’EP. Elle a été rapidement prise en charge par les obstetriciens pour césarienne… dans une salle d’accouchement dédiée COVID.
Mais que faire de la femme enceinte au 1er, 2è ou début de 3è trimestre de grossesse ? Quelle est la place de l’imagerie et en particulier du scanner ?
Le bon sens consisterait à réaliser un scanner pour celles qui présentent des signes de gravité clinique, quel que soit le terme, afin de pouvoir établir un diagnostic sans attendre la PCR. Dans ce cas je suppose avec injection pour éliminer l’EP compte tenu du contexte de grossesse ?
Mais que faire de la femme qui arrive pour accoucher, ou n’importe quelle urgence obstétricale qui nécessiterait une prise en charge hospitalière, et qui présenterait des signes cliniques suspects de covid sans gravité ? Le scanner (low dose) peut-il avoir une indication de « dépistage » dans ce cas pour éviter d’hospitaliser en secteur « propre » une femme enceinte covid +, en attendant d’avoir les résultats de la PCR ? Si oui quel que soit le terme de la grossesse ? Doit-on la considérer comme covid + jusqu’aux résultats de la PCR, en ayant toutefois à l’esprit le défaut de sensibilité de la PCR à une certaine phase de la maladie (J7-J10…) ?
Réponse (Pr Marie-Pierre REVEL, APHP) :
- Pour les femmes enceintes symptomatiques avec des signes de gravité respiratoire, la réalisation d’un angioscanner thoracique parait licite, à la fois pour confirmer la suspicion en attente des résultats de PCR et pour recherche une complication thrombo embolique. Un taux de D-dimère très élevé peut conforter cette décision, témoigne d’une hypercoagulabilité et est un facteur de gravité identifié dans l’infection à SARS-Cov-2 (Tang N, Li D, Wang X, Sun Z. Abnormal Coagulation parameters are associated with poor prognosis in patients with novel coronavirus pneumonia. Journal of Thrombosis and Haemostasis 2020). Pour rappel, l’angioscanner représente une irradiation fœtale négligeable, inférieure ou égale à celle de la scintigraphie (Winer Muram et al Radiology 2002) et il n’y a pas de risque thyroïdien néonatal consécutif à l’injection de produit de contraste iodé (Bourjeily et al radiology 2010)
-Le scanner peut sinon comme vous le suggérez être réalisé en faible dose chez une patiente enceinte devant être hospitalisée pour toute raison autre que des symptômes respiratoires, car il permet une anticipation des résultats de PCR, dont la sensibilité n’est que de 70% environ. L’avis émis par la Haute Autorité de Santé (HAS) va dans ce sens :
« la réalisation d’un scanner thoracique pour le dépistage de lésions pulmonaires silencieuses chez des patients de statut COVID non connu et qui doivent être traités chirurgicalement en urgence pour une autre pathologie, est recevable.
De même, un scanner thoracique à visée de dépistage peut être indiqué dans les situations thérapeutiques urgentes ne permettant pas d'attendre les résultats de la PCR ».