Nouvelle réglementation sur la prise en charge de l’exposition professionnelle aux champs électromagnétiques

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Nouvelle réglementation sur la prise en charge de l’exposition professionnelle aux champs électromagnétiques

Auteur(s) : 
Christophe Tourneux
Christophe Guionnet

Le Décret n° 2016-1074 du 3 août 2016 définit les règles de prévention contre les risques pour la santé et la sécurité des travailleurs exposés aux champs électromagnétiques (CEM), notamment contre leurs effets biophysiques directs et leurs effets indirects connus. Il vise, au travers de la mise en place d’une démarche de prévention-sécurité, à améliorer la protection de la santé et la sécurité des travailleurs exposés.

Ce décret concerne toutes les activités présentant des CEM, statiques ou variant dans le temps, dont les fréquences s’étalent de 0 Hertz à 300 Gigahertz.

Outre les appareils de type DECT, téléphonie mobile, WIFI, etc que l’on peut rencontrer désormais partout, certaines applications médicales utilisent des dispositifs médicaux émetteurs de CEM. Certaines spécialités utilisent des technologies de stimulation magnétique transcrânienne, de diathermie et sont concernées par ce décret.

En imagerie par résonance magnétique (IRM), la présence d’un champ magnétique statique, l’utilisation de gradients de champs magnétiques et de champs de radiofréquences entraînent beaucoup de questionnements de la part des opérateurs et managers en service de radiologie quant à la mise en application de cette nouvelle réglementation. Cette prise en charge existait déjà au travers de l’évaluation globale des risques professionnels (via le Document unique par exemple) et reposait jusqu’alors sur les seuls principes généraux de prévention issus du droit commun. Ce nouveau texte encadre désormais cette prise en charge particulière et intègre une approche graduée des moyens de prévention et du dialogue interne à mettre en œuvre en cas de dépassement de « valeurs d’action » (VA) et de « valeurs limites » (VLE).

Des valeurs limites d’exposition (VLE) et des valeurs déclenchant l’action (VA)

Le décret repose sur la mise en place de VLE qui ne doivent pas être dépassées. Ces VLE permettent de s’assurer qu’aucun effet délétère sur la santé du travailleur n’adviendra dans les conditions « normales » de travail. Bien que scientifiquement reconnues, les VLE sont en pratique très difficiles à appréhender et à vérifier sur le terrain car elles sont souvent internes au corps humain et échappent à toute métrologie opérationnelle.

Les valeurs déclenchant l’action (VA), sont des valeurs quantifiables et/ou mesurables intégrant un coefficient de sécurité permettant de s’assurer que les VLE ne seront pas atteintes. Elles ont été définies afin de permettre une mise en application opérationnelle de ces limites d’exposition.

Les notions de VLE et de VA sont des outils utilisés très couramment dans les disciplines de prévention et de sécurité. Ces valeurs permettent à la personne en charge de la gestion des risques professionnels de dimensionner le système de sécurité au travers de l’analyse, de l’organisation du travail, et la définition des conditions dites normales de travail pouvant imposer l’utilisation de protection, ou une organisation spécifique.

En outre, signalons également que lorsqu’une exposition au-delà des VLE est détectée ou lorsqu’un effet indésirable ou inattendu sur la santé susceptible de résulter d’une exposition à des CEM est signalé par un travailleur, celui-ci bénéficie d’une surveillance médicale.

Une démarche qui repose avant tout sur l’évaluation des risques et qui définira les mesures et moyens de prévention

Au-delà de l’application stricte du respect des VLE, il est imposé à l’employeur de réaliser une évaluation des risques résultant de l’exposition des travailleurs. Celui-ci s’appuiera sur le ou les salariés compétents de l’établissement, en charge de la coordination et de la gestion globale des risques professionnels. Cette évaluation sera consignée dans le Document unique d’évaluation des risques professionnels, ce qui permettra d’établir un plan de prévention qui se traduira par des plans d’actions.

Cette analyse des risques sera en premier lieu documentaire mais pourra être complétée par des mesures, le plus souvent réalisées par des organismes externes spécialisés.

Ces règles de prévention peuvent paraître nouvelles et atypiques au regard de la gestion des risques à laquelle nous sommes habitués. Il n’en est rien. Au travers de la réglementation, l’obligation était déjà faite à tout employeur de mettre en œuvre une démarche de prévention des risques professionnels, en s’appuyant notamment sur les compétences du ou des « salariés compétents » de l’établissement. Celui-ci assurera une vision globale des risques pour l’employeur et mettra en œuvre la coordination de la politique de gestion des risques professionnels de l’entreprise. Il s’agit en général d’un profil de préventeur. Toutefois, le salarié compétent pourra difficilement être un expert de l’ensemble des risques qui concernent son entreprise. Lorsque cela est nécessaire, il proposera de faire appel à des compétences externes spécialisées (ergonomes, hygiénistes, radioprotectionnistes, consultants…).

À défaut de compétences en interne, l’employeur pourra externaliser cette fonction. Afin de garantir des compétences en prévention sécurité, cette externalisation pourra être par exemple assurée par un service de santé au travail ou un intervenant en prévention des risques professionnels (IPRP) enregistré auprès de la DIRECCTE. Il est cependant conseillé que l’entreprise reste autonome car sa responsabilité propre restera toujours engagée au travers d’une obligation de résultat.

L’information et la formation des travailleurs

L’adhésion à la démarche de prévention des travailleurs exposés ou susceptibles d’être exposés est un élément capital. Il est indispensable qu’ils soient informés et formés aux risques professionnels auxquels ils sont exposés. Le décret indique le programme de formation minimal et opposable.

Des dispositions spécifiques aux IRM médicaux et de recherche

Le décret rajoute des dispositions particulières aux IRM médicaux et de recherche lorsque les mesures de prévention mises en place ne permettent pas de maintenir l’exposition des travailleurs en deçà des VLE relatives aux effets sur la santé.

En cas de dépassement, l’activité est soumise à une autorisation administrative délivrée par la DIRECCTE. L’employeur devra alors démontrer l’absence d’alternative possible au dépassement potentiel des VLE compte tenu de la pratique de travail et devra définir les mesures et moyens de protection appropriés permettant de ne pas les dépasser (par exemple, la garantie que l’exposition des travailleurs ne sera que temporaire).

Expositions des travailleurs protégés

Le décret introduit les conditions d’exposition des femmes enceintes et des jeunes travailleurs aux CEM. Pour les jeunes travailleurs de moins de 18 ans, il est interdit de les affecter à des travaux les exposant à des CEM pour lesquels les résultats de l’évaluation des risques mettent en évidence la possibilité de dépasser les valeurs limites d’exposition. Pour les femmes enceintes, l’exposition est maintenue à un niveau aussi faible que possible, en tenant compte des recommandations de bonnes pratiques existantes, et en tout état de cause à un niveau inférieur aux valeurs limites d’exposition du public aux CEM.


Christophe TOURNEUX
MERM, Ingénieur Sécurité Qualité Hygiène Environnement spécialisé dans la gestion des risques physiques / PCR - Responsable de l’unité de radioprotection du CHU de Reims / Consultant Sénior en Radioprotection.
Christophe GUIONNET
MERM, Cadre de santé, PCR CHU de Nancy