Étude ATTRACT: le dernier mot de la thrombectomie veineuse ou le dernier mot des Américains ?

Imagerie médicale

Étude ATTRACT: le dernier mot de la thrombectomie veineuse ou le dernier mot des Américains ?

Auteur(s) : 
Romaric Loffroy
Nicolas Falvo
Christophe Galland
Sophie Gehin
Marco Midulla

L’étude ATTRACT, publiée en 2017 dans le prestigieux New England Journal of Medicine, a jeté un pavé dans la mare au sein de la communauté radiologique interventionnelle en remettant en doute, par rapport au traitement conventionnel, l’efficacité du traitement de la thrombose veineuse profonde aiguë (TVPA) des membres inférieurs par méthode pharmaco-mécanique endovasculaire, dont le but est normalement de prévenir la survenue du syndrome post-thrombotique (SPT), s’installant chez 40 % des patients dans les deux ans qui suivent une TVPA malgré un traitement médical bien conduit. Quelles conclusions faut-il tirer de cet essai randomisé et quelles en sont les limitations ?

L’étude ATTRACT (Acute venous Thrombosis : Thrombus removal with Adjunctive Catheter-directed Thrombolysis) randomisée, de phase III, avait pour but de comparer l’efficacité et la sécurité de la thrombolyse pharmaco-mécanique dirigée par cathéter à celles du traitement anticoagulant classique chez des patients symptomatiques avec TVPA proximale datant de moins de deux semaines, chez des patients de moins de 75 ans. L’objectif primaire d’une réduction du SPT à 24 mois n’a pas été rempli puisque les valeurs respectives de 47 et 48 % étaient retrouvées dans les deux groupes.
La méthodologie de l’essai soulève cependant de nombreuses critiques pour nous autres européens quant aux résultats rapportés, qui ne doivent en aucun cas être pris pour argent comptant. Trois principales limitations peuvent être évoquées. La première est le choix peu compréhensible d’inclure des patients avec une TVPA non proximale, c’est-à-dire sans extension aux veines fémorales communes et/ou iliaques, dans quasiment la moitié des cas, probablement par lenteur d’inclusion, alors que le caractère proximal de la thrombose est le facteur prédictif principal de survenue d’un SPT. Cette attitude ne correspond en rien à nos pratiques, les indications du traitement endovasculaire se cantonnant habituellement aux thromboses proximales symptomatiques, justement pour cette même raison. Il est reconnu que le traitement endovasculaire n’a que peu d’intérêt en cas de thrombose non proximale.

Imagerie médicale

Fig. 1. Phlébographie démontrant l’efficacité angiographique du traitement par thrombectomie veineuse mécanique rotationnelle pure (Aspirex®S) et stenting pour TVPA ilio-fémorale proximale gauche sur syndrome de May-Thurner.

La deuxième limitation est le taux finalement élevé (60 %) d’utilisation privilégiée de la technique de thrombolyse facilitée qui, en plus d’être désormais abandonnée dans notre pratique quotidienne au profit des systèmes de thrombectomie mécanique pure, comporte un risque hémorragique inutile pour une durée de procédure prohibitive (22 heures !) dans l’étude par rapport aux techniques interventionnelles actuelles qui permettent l’élimination du thrombus en moins de 3 heures. Enfin, la troisième et dernière limitation, même s’il en existe d’autres, est le taux relativement bas (28 %) de stenting de la veine iliaque, très loin de nos standards européens. En effet, le taux habituel de stenting de la veine iliaque se situe normalement au-dessus de 80 % du fait de la présence d’un obstacle anatomique proximal estimé à près de 80 % en cas de TVPA étendue, par compression extrinsèque de la veine iliaque primitive gauche par l’artère iliaque primitive droite, communément appelé syndrome de Cockett ou May-Thurner. Ce taux de stenting anormalement bas pourrait expliquer l’inefficacité constatée du traitement endovasculaire sur la survenue d’un SPT.

Au final, cette étude n’aura donc pas permis d’évaluer l’intérêt du traitement endovasculaire chez les patients qui nous semblent le plus en bénéficier (sujet jeune, très symptomatique, à faible risque hémorragique, avec extension fémoro-iliaque de la thrombose, avec inefficacité du traitement anticoagulant). Elle aura surtout permis d’identifier la population chez laquelle il ne faut pas proposer ce traitement (sujet âgé, à risque hémorragique, avec localisation non proximale de la thrombose). La thrombectomie veineuse n’a donc, a priori, pas dit son dernier mot, mais à condition d’une meilleure sélection future des patients comme des techniques, à l’instar des pratiques européennes. Les Américains n’ont qu’à bien se tenir…


Romaric Loffroy, Nicolas Falvo, Christophe Galland, Sophie Gehin, Marco Midulla
Centre de Thérapies Mini-Invasives Interventionnelles et Endovasculaires, CHU – Hôpital François-Mitterrand, Dijon

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