Le Pr Isabelle Richard, ancienne doyenne de la faculté d’Angers, et conseillère santé au ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, nous a présenté ce qui est actuellement étudié pour former de meilleurs médecins. S’en est suivi un échange avec les Pr Bartoli, Boyer, le Dr Masson et Cédi Koumako, présidents respectivement du CERF, du CNU, de la FNMR et de l’UNIR.
Le Pr Richard nous a présenté un schéma représentant les trois conditions nécessaires à l’évolution des pratiques : un niveau de connaissances suffisant, une demande sociale (vieillissement populationnel) et une politique publique adéquate. Ces trois éléments doivent évoluer conjointement pour faire évoluer les formations de santé.
C’est ainsi que l’apprentissage par simulation a pu émerger au 3e cycle car les trois conditions étaient réunies, avec d’une part les progrès des techniques endovasculaires, d’autre part une demande sociale importante suite au vieillissement de la population, enfin une politique publique adéquate avec la récente réforme du 3e cycle. En revanche, l’enseignement de l’exercice clinique aux étudiants de 2e cycle est difficile, car même si les connaissances sont accessibles dans les ouvrages et que la demande sociale est là, la docimologie actuelle, représentée par les ECN et des QCM pour classer les élèves, les empêche de centrer leur travail sur l’essentiel, comme le souligne la doctrine anglo-saxonne « Assessment drives curriculum ». Il faut donc développer une nouvelle politique éducative que serait la réforme du 2nd cycle avec la suppression des ECN.
De même, le développement de compétences diversifiées est difficile suite à l’absence de diversité des profils, avec un cursus trop uniforme comportant peu de passerelles et un numerus clausus faisant loi sur la démographie médicale. Alors que la demande sociale aujourd’hui est en faveur de la création de nouveaux métiers plus transversaux, l’un des enjeux de demain serait de rendre ces cursus plus modulaires en réformant les modes d’entrée aux études médicales. Les métiers de la santé sont aujourd’hui trop cloisonnés, entraînant une faible mobilité professionnelle et une mauvaise orientation. Pour décloisonner ce système, il faut sortir des « tuyaux étanches » comme le numerus clausus, pour réguler les flux et favoriser les parcours diversifiés, les rapprochements institutionnels et les enseignements modulaires. N’y a-t-il pas des enseignements qui pourraient être communs aux radiologues, radiophysiciens et manipulateurs radio ?
Le Pr Richard conclut sur l’évolution à venir de l’IA et de la télémédecine : faut-il mettre plus en avant les mathématiques en médecine, et favoriser les passerelles médecine-ingénierie ? Cela peut-il entraîner un déplacement du métier de radiologue vers la radiologie interventionnelle en créant des métiers intermédiaires à partir d’analyses automatisées des images ?
Après cet argumentaire en faveur d’une pédagogie moderne, un échange s’est engagé avec le Pr Richard. S’interrogeant sur ce qui remplacerait le numerus clausus, elle répond que l’essentiel est d’avoir une plus grande diversité de profils et d’éviter l’esprit de concours et de QCM, même si les modalités exactes restent à définir. Pour les ECN, il faut maintenir un système d’affectations pour réguler la démographie médicale, en le rendant juste, sans épreuve unique et plus attentif au parcours personnel de l’étudiant. Il faudrait également favoriser les stages mais aussi les enseignements avec les libéraux. De nombreux challenges attendent les futurs médecins en formation. Nous avons hâte d’en connaître les adaptations concrètes !
Rémi Khansa
Hôpital Saint-Antoine, Paris