La simulation en radiologie interventionnelle

Simulation ponction

La simulation en radiologie interventionnelle

Auteur(s) : 
Pascal Chabrot

L’avenir de formation en radiologie diagnostique comme en radiologie interventionnelle passe sans aucun doute par l’intégration de la simulation dans la pédagogie, qu’il s’agisse de formation initiale ou continue. Après des annonces très encourageantes des tutelles, les fonds sont attendus sur le terrain dans chaque faculté car ces plateaux techniques d’enseignement ont un coût, qui ne doit pas non plus méconnaître l’investissement en temps à prodiguer par des formateurs compétents. Le CERF et la SFR sont très activement impliqués dans ce mouvement où la bonne gestion des moyens passera par une organisation structurée en réseaux nationaux.

Largement développée dans les secteurs de l’aéronautique ou le nucléaire, où la gestion du risque est primordiale, la simulation connaît un essor important dans le domaine médical. Elle permet de confronter un apprenant à une situation donnée sans exposer le patient à la courbe d’apprentissage. Les champs d’application sont vastes : relation avec le patient, collaboration au sein d’une équipe interdisciplinaire, analyse de dossiers médicaux ou compétence gestuelle, comme dans le cas de la radiologie interventionnelle. La simulation peut s’envisager aux différentes étapes de l’enseignement, formation initiale ou continue, jusqu’à représenter une certification pour la réalisation d’une tâche donnée. Les outils employés sont nombreux : ils doivent être choisis en fonction de l’élément à transmettre, et la progression doit être régulièrement évaluée.

On distingue usuellement les simulateurs basse-fidélité, ou modèles statiques desquels on rapproche souvent les modèles cadavériques, les simulateurs haute-fidélité ou modèles de réalité virtuelle, et les modèles animaux. Nous développerons ici les avantages et limites de chacun d’entre eux.

Les modèles statiques, comme les fantômes de ponction (ponction vasculaire échoguidée, ponction abdominale sous repérage multimodal ou ponction rachidienne sous fluoroscopie…) sont facilement mis en œuvre, d’un coût limité (aux alentours de 400 €), permettant d’envisager leur déploiement dans toutes les structures d’enseignement. Les modèles de navigation endovasculaire en silicone apparaissent plus décevants, d’un coût élevé en fonction de la complexité et d’une fidélité limitée, comparativement à une navigation in vivo, du fait d’importantes forces de frottement.

Les modèles de réalité virtuelle, comme les simulateurs de cathétérisme, permettent une exposition à des situations multiples, de difficulté croissante, et donnent accès à une évaluation quantitative des performances (distance du centre de la lésion et position du ballon, pourcentage de surdilatation…). Portabilité et facilité de mise en œuvre ont été nettement améliorées au cours des dernières années, permettant d’envisager des installations mobiles, mais leur coût d’achat (aux alentours de 150 à 300.000€) et de maintenance restent prohibitifs pour concevoir la diffusion large de ces installations. Ces modèles éprouvés en chirurgie mini-invasive pourraient être enrichis de données d’imagerie spécifiques d’un patient à traiter, permettant d’envisager la planification et la répétition du geste (choix du matériel, voie d’abord…).

Les modèles animaux permettent de pratiquer des interventions complètes et réalistes avec un retour haptique fidèle. Les contraintes financières, éthiques et organisationnelles imposent une limitation importante de leur utilisation au strict essentiel, selon les règles de bonne pratique en expérimentation animale.

Fig. 1. Simulation d’une ponction vasculaire écho-guidée sur modèle statique.

Les travaux de recherche sur l’enseignement par simulation en santé convergent pour souligner l’importance primordiale de l’intégration de l’outil dans un cursus global, ou curriculum. Les séances sont de préférence répétées, de complexité croissante et systématiquement suivies d’un débriefing où l’apprenant arrive progressivement à cerner ses propres faiblesses. La construction d’une séance peut reposer sur des scenarii complexes associant différentes séquences ; cependant, l’organisation générale peut être décomposée en différentes étapes clés :

  • définition d’objectifs de formation issus de l’analyse de situations réelles (par exemple : nombre de ponctions ou durée nécessaires à l’insertion d’un cathéter) ;
  • briefing sur la base d’un échange entre apprenant et formateur, définissant les objectifs, le contexte, les modalités d’évaluation et devant permettre une adhésion au modèle. L’immersion est un critère important dans l’impact de la pédagogie par simulation ;
  • session sur simulateur, idéalement filmée pour permettre un retour ultérieur sans compromettre le déroulement de la séance ;
  • débriefing participatif, basé sur la description et l’analyse des éléments rencontrés face au scénario proposé, avant d’établir les éléments correctifs à appliquer ;
  • remise de document de fin de séance.

Au décours de la session, une évaluation de l’impact clinique est nécessaire, permettant une orientation adéquate des formations ultérieures (répétition de séance, évolution du scénario).

Quel que soit le modèle, il faut souligner l’exigence incontournable de la présence physique d’encadrants formés à ces techniques d’enseignement et en effectif suffisant, ce qui constitue actuellement clairement une limite à l’utilisation de ces techniques en France. Dans un rapport destiné à la Haute Autorité de Santé publié en 2012, Jean-Claude Granry et Marie-Christine Moll soulignaient le retard de l’intégration de la simulation en pédagogie médicale. Seuls quelques centres issus d’initiatives locales ou de promotion industrielle, affichent la possibilité de réaliser un enseignement de la radiologie interventionnelle. Les effectifs de personnel (accueil, entretien, technique ou formation) sont en moyenne 16 fois inférieurs aux données nord-américaines, où plus de 1.160 centres sont référencés. Des moyens attribués aux Agences Régionales de Santé sont spécifiquement destinés à la simulation et leur utilisation laissée à l’appréciation des directeurs d’agence, sans coordination nationale ou interdisciplinaire. Or, outre le manque de moyens, le rapport HAS pointait déjà l’absence de structuration nationale et soulignait l’intérêt d’une organisation en réseau avec interconnexion des différentes structures.

Conclusion

La simulation a montré son intérêt dans le transfert et la capacité de rétention des habiletés techniques. Son utilisation doit s’intégrer dans un cursus de formation global affichant des objectifs clairs et un système d’évaluation. Une réflexion est menée au sein du CERF (Collège des enseignants de radiologie de France) et de la SFR (Société française de radiologie) pour permettre d’intégrer ces outils au sein du cursus de formation initiale des internes ou de la formation continue des radiologues en exercice. Cette politique s’articule autour d’une dynamique nationale fédérée par la Société francophone de simulation en santé (SoFraSimS) et devrait pouvoir bénéficier des annonces de création de centres universitaires de simulation annoncées il y a quelques mois par les tutelles.


Pascal Chabrot

Pour la Société francophone de simulation en santé (SOFRASIMS)