Faut-il contre-indiquer le scanner chez l’enfant ?

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Faut-il contre-indiquer le scanner chez l’enfant ?

Auteur(s) : 
Hervé BRISSE
David CELIER
Baptiste MOREL
Marie-Odile BERNIER
Dominique SIRINELLI
Jean-François CHATEIL
Hubert Ducou le Pointe

Hervé BRISSE1, David CELIER2, Baptiste MOREL3, Marie-Odile BERNIER4, Dominique SIRINELLI5, Jean-François CHATEIL6, Hubert DUCOU LE POINTE7 – 1. Président de la Société Francophone d’Imagerie Pédiatrique et Prénatale (SFIPP), Chef du Département d’Imagerie de l’Institut Curie (Paris), Membre du Groupe Permanent d’Experts en Radiologie Médicale, Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN). 2. Unité d’expertise en radioprotection médicale, Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire (IRSN), Fontenay-aux-Roses. 3. Chef de Service de Radiopédiatrie, CHU Clocheville, Tours. 4. Laboratoire d’épidémiologie des rayonnements ionisants, Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire (IRSN), Fontenay-aux-Roses. 5. Groupe Permanent d’Experts en Radiologie Médicale, Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN). 6. Chef de Service de Radiopédiatrie, CHU Pellegrin, Bordeaux. 7. Chef de Service de Radiopédiatrie, CHU Armand Trousseau (Paris), Responsable du Groupe Radioprotection, Société Française de Radiologie (SFR) 

Si les dernières enquêtes témoignent d’une relative diminution de l’exposition aux rayonnements ionisants d’origine médicale chez l’enfant, le scanner reste la technique délivrant les doses les plus élevées. Les publications se succèdent dans le sens d’un vraisemblable excès de risque carcinologique chez les enfants exposés au scanner. La SFIPP considère que l’emploi de cette technique chez l’enfant reste parfaitement justifié, dans des indications précises, mais doit être plus que jamais encadré. De nouvelles recommandations viennent aujourd’hui en appui aux règles traditionnelles de radioprotection. Ne reste qu’à les assortir d’une meilleure reconnaissance de l’expertise des professionnels s’impliquant en imagerie pédiatrique.

Depuis 2012, les publications de suivi épidémiologiques des cohortes nationales (France, Allemagne, Pays-Bas, Royaume-Uni) et les récentes données de la cohorte européenne EPI-CT renforcent la conviction d’une augmentation du risque de cancer (SNC et hémopathies) chez les enfants exposés lors d’examens scanographiques (même s’il existe des limites méthodologiques).

Une bonne nouvelle toutefois : l’exposition des enfants due aux actes diagnostiques a significativement diminué ces dernières années (études ExPRI 2010 et 2015, enquêtes SFIPP-IRSN 2007 et 2016). Si l’évolution des pratiques a contribué à cette baisse, cette dernière est probablement principalement liée à l’évolution des équipements (chaines de détection, contrôle automatique d’exposition, reconstruction itérative).

La substitution au scanner de techniques n’exposant pas (ou moins) aux rayonnements ionisants reste un fondamental en imagerie pédiatrique. L’échographie-doppler, l’IRM, la radiologie conventionnelle par capteurs plans ou chambres à fils doivent être systématiquement favorisés. Après l’imagerie du SNC, du système musculo-squelettique et progressivement de toute la pathologie viscérale, les récentes évolutions technologiques en IRM et le développement des produits de contraste ultrasonores laissent espérer une poursuite de cette substitution. En pathologie pulmonaire, cardio-vasculaire et dans le cadre de l’urgence, le scanner rend toutefois des services considérables, justifiant encore pleinement son emploi chez l’enfant.

Mais dans ces indications résiduelles, le nombre d’acquisitions et les doses délivrées doivent impérativement être optimisés. Suite à la dernière enquête de pratique effectuée par la SFIPP et l’IRSN, une mise à jour des niveaux de référence diagnostiques, validée par l’ASN a été publiée cette année (décision ASN n°2019-DC-0667, arrêté du 23 mai 2019). Basés sur un recueil effectué dans des services très sensibilisés, ces nouveaux NRD pédiatriques (tableau 1) doivent être utilisés comme des référentiels.

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Tableau 1. Niveaux de référence diagnostique en scanographie pédiatrique (décision ASN n°2019-DC-0667, arrêté du 23 mai 2019)

Deux principaux écueils persistent : d’une part des difficultés pour inciter à l’optimisation, d’autre part le manque de reconnaissance de la charge de travail associée à la prise en charge des enfants. Deux réglementations récentes vont contribuer à l’optimisation des pratiques : l’obligation de mise en place de programmes d’assurance qualité (décision ASN n°2019-DC-0660, arrêté du 8 Février 2019) incluant des modalités pédiatriques spécifiques, et celle de l’évaluation dosimétrique pédiatrique (10 actes à recueillir par an pour tout dispositif réalisant au moins 5% d’actes pédiatriques).

Toutefois, reconnaissance et incitation sont préférables à la contrainte ! A la demande de la DGS et la DSS, l’IRSN a travaillé sur les liens entre radioprotection et système de remboursement, auditionnant notamment la SFIPP. Une évolution de la législation et de la tarification apparaît nécessaire en vue d’une plus grande pertinence des actes (déjà recommandée par la Cour des Comptes en 2016). Le rapport IRSN a repris les préconisations de la SFIPP : intégrer des spécificités pédiatriques dans le référentiel d’assurance qualité, adapter la cotation des actes pour favoriser les techniques non irradiantes, et compenser les surcoûts liés à la prise en charge des jeunes enfants.

La SFR et la SFIPP seront très vigilantes. Une meilleure valorisation des actes d’imagerie pédiatriques est aujourd’hui indispensable pour permettre aux professionnels de s’impliquer de façon pérenne dans cette spécialité exigeante, mais essentielle (et passionnante !).

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Séance pédagogique

Optimisation de la qualité d’image et de l’exposition des patients aux rayons X en radiologie interventionnelle adulte et en radiopédiatrie

14:00 - 15:00

Salle 253 (Niv 2)

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