Pour son implication dans l’enseignement de la radiologie, pour son engagement national et international au service de la santé et de la radiologie, pour sa lutte pour la place des femmes en Afrique, la Société Française de radiologie est particulièrement heureuse d’honorer notre éminente collègue, Vicentia Boco. La SFR souhaite à travers cette distinction la remercier tout particulièrement pour l’ensemble de sa carrière mais souhaite aussi souligner l’importance que l’Afrique Francophone a pour elle. La SFR sera toujours présente pour collaborer et partager avec nos amis d’Afrique. Vicentia, merci pour ce que tu as fait, et pour ce que tu es ; tu es un exemple pour nous et tous nos jeunes.
Quelques mots sur votre relation avec la radiologie française, et plus particulièrement avec la SFR ?
J’ai fait tout mon cursus de spécialisation à l’Université de Paris Descartes avec pour maîtres les professeurs M. Labrune, A. Bonin, J. Frija, D. Doyon etc. Plus tard, les Professeurs P. Rouleau, M. Bléry, P. Chatel, JF. Garcia et bien d’autres m’ont été d’un grand secours pour la préparation du concours d’agrégation du Cames. Je peux donc dire que je suis un produit de la radiologie française, même si l’appel de mon pays a été plus fort que les attraits de la France. Plus globalement, la SFR a toujours été une référence pour les radiologues africains en raison de la qualité des publications qui y sont diffusées, et les JFR restent un creuset d’échange d’expériences et de bonnes pratiques.
Les JFR : que représentent-elles pour vous ?
Les JFR permettent de présenter les travaux des écoles africaines de radiologie et nous offrent la vitrine des avancées technologiques. Seules les journées américaines offrent des opportunités comparables, mais la barrière de la langue reste pour nous un handicap. Le GREF a aussi longtemps contribué à l’essor de l’imagerie en Afrique, surtout dans le domaine de l’enseignement. Comment ne pas reconnaître le mérite de toutes ces personnes (que je ne peux toutes nommer) et de ces sociétés scientifiques qu’elles ont créées et animées !
Quelques mots sur vos responsabilités dans les ministères que vous avez dirigés (santé, affaires sociales, recherche) ?
Je me suis effectivement engagée en politique pour tenter d’apporter ma contribution aux efforts de développement de mon pays. Mes meilleures contributions sont, je pense, au poste de ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, où j’ai pu mettre en place des lignes budgétaires pour renforcer le plateau technique des universités (laboratoires de physique, de chimie, de biotechnologie etc.) et plus particulièrement des facultés de médecine, mais aussi des hôpitaux universitaires. J’ai sans relâche plaidé pour l’amélioration du plateau technique avec, je l’avoue, un peu moins de succès que pour les dossiers précédents, tant les nombreux besoins urgents finissaient par reléguer mes requêtes au dernier plan. Au poste de directrice de l’Institut National pour la Promotion de la Femme, qui est une structure de réflexion et d’étude sur la situation de la femme béninoise, je m’emploie, à travers des études sur la situation de femmes, à donner les orientations utiles au ministère du Plan et de la prospective pour que les politiques de développement prennent en compte les besoins spécifiques de cette frange de la population. Je dois avouer que, là aussi, les défis restent énormes.
Quelques mots sur l’Intelligence Artificielle en imagerie dans votre pays ? Sur l’éthique et la déontologie du radiologue ?
Demain, que dis-je, aujourd’hui, la voie est ouverte pour l’intelligence artificielle, qui est déjà à nos portes. Je crois qu’elle sera surtout une aide précieuse pour les radiologues en termes de facilitation et de sécurisation des procédures, mais ne pourra le remplacer, comme je l’entends dire souvent, car la pratique de la médecine requiert une part d’humanisme qu’aucune machine même très performante ne pourra remplacer. C’est dire que la pratique de la médecine et de la radiologie en particulier ne se conçoit pas sans un encadrement éthique et une forte notion de la responsabilité. Plus les possibilités technologiques vont s’étendre, plus nous seront contraints de mettre des normes et des garde-fous afin que la dignité de la personne malade soit préservée : c’est l’un des grands défis qui s’imposera à notre communauté scientifique.
Selon vous, quels sont les enjeux pour les années à venir ?
Les enjeux pour les années à venir seront, je pense, l’accessibilité aux examens d’imagerie surtout dans nos pays africains, en termes de coût mais aussi en termes de disponibilité, face à des besoins de plus en plus croissants des médecins et des populations. L’accessibilité financière réduite de la grande majorité de la population en Afrique est un énorme défi et le restera pour longtemps encore, hélas.