Les infiltrations sous guidage scanner peuvent soulager les céphalées rebelles

Douleur céphalées

Les infiltrations sous guidage scanner peuvent soulager les céphalées rebelles

Auteur(s) : 
Bruno Kastler

Les radiologues, grâce à la précision des nouvelles techniques d’imagerie médicale (échographie, scanner, IRM), voient de mieux en mieux en détail le corps humain et la maladie et jouent un rôle clé dans l’établissement du diagnostic et du suivi des traitements. La finesse des images obtenues, notamment par le scanner, permet aussi d’envisager en les utilisant comme moyen de guidage, de nouvelles perspectives de traitements interventionnels de « microchirurgie » peu invasifs, qui sont déjà largement utilisés dans les infiltrations rachidiennes (lombalgies, sciatiques, douleurs cervicales).

Quelles sont les particularités des céphalées chroniques réfractaires ?

On estime à 5 millions le nombre de patients en France souffrant de maux de tête (céphalées) chroniques dont les mécanismes n’ont pas encore été totalement élucidés. Il en existe de nombreuses formes, dont les migraines (en général unilatérales) ou les céphalées de tension. D’autres, moins connues et moins fréquentes, sont accessibles à un traitement par radiologie interventionnelle. Elles sont très invalidantes par la douleur très intense qu’elles génèrent et handicapantes par la chronicité et le caractère réfractaire aux traitements à un moment de leur évolution. En simplifiant, en dehors des formes de migraines les plus classiques, on retrouve :

  • les « arnoldalgies », la névralgie d’Arnold et les céphalées cervicogéniques qui atteignent l’hémicrâne. Elles sont en général unilatérales et à point de départ cervical haut (nuque) irradiant vers l’avant jusqu’au-dessus de l’œil et surviennent souvent à la suite d’un traumatisme du cou parfois lointain. Elles sont fréquentes, représentant 15% des céphalées chroniques et peuvent être associées ou non à un contexte migraineux classique.
  • l’algie vasculaire de la face, beaucoup plus rare, toujours unilatérale, atteignant l’hémiface mais très invalidante. Elle touche plus fréquemment l’homme jeune au niveau et derrière l’œil, survenant à horaires et périodes fixes dans l’année, qualifiées de « céphalées suicidaires » tant elles sont violentes.
  • la névralgie faciale trigéminale (nerf V2), également rare, apanage plutôt de la femme plus âgée de 50-60 ans avec douleur fulgurante (décharge électrique), territoire de la joue souvent déclenchée par l’effleurement d’une zone gâchette jugale.

Que peut apporter la radiologie interventionnelle ?

La prise en charge thérapeutique fait appel à une prise en charge en milieu spécialisé par un neurologue ou un algologue spécialiste des migraines. Elle repose sur une panoplie variée de traitements médicamenteux ou plus spécialisés dont les avancées ont été très importantes ces dernières années (infiltrations du nerf d’Arnold à l’émergence, radiofréquences du ganglion de Gasser, ou plus récemment gamma knife). Quand ces traitements sont dépassés ou deviennent inefficaces, on peut alors proposer une prise en charge par des infiltrations ciblées à effet rapide dans des centres spécialisés. Le scanner dans un environnement de bloc opératoire, permet de guider et mettre en place des instruments sur une cible à traiter au millimètre près. Les interventions durent de 20 minutes à 1 heure et se font généralement sous anesthésie locale et en ambulatoire. Un traitement durable est obtenu par infiltration de structures nerveuses directement impliquées dans la genèse de certaines céphalées chroniques : le nerf d’Arnold et le ganglion sphénopalatin :

  • Le nerf d’Arnold: les infiltrations de ce nerf s’adressent à l’ensemble des céphalées citées ci-dessus avec une prédilection pour le traitement des « arnoldalgies ». Des aiguilles très fines (type intramusculaires) sont mises en place sur la structure nerveuse sous contrôle scanner pour injecter directement un cocktail antidouleur qui va agir immédiatement et ce pour plusieurs semaines ou mois. Nous avons introduit au milieu des années 90 le guidage scanner de l’Arnold, qui ajoute à la précision du geste et à sa sécurité. Depuis, nous en avons également grandement simplifié et optimisé la technique. L’infiltration se pratique maintenant sur un site plus facilement accessible et presque indolore sur le trajet du nerf au niveau de la nuque. Un résultat plus définitif peut être obtenu dans un deuxième temps, par un échauffement du nerf (radiofréquence) ou, plus récemment, par un refroidissement (cryoablation). Enfin, cette infiltration ouvre également des perspectives pour certaines migraines plus banales et fréquentes mais réfractaires aux traitements classiques.

Consulter la vidéo sur le traitement des névralgies d'Arnold (allodocteurs.fr).

  • Le ganglion sphénopalatin : il est situé en profondeur dans la joue près du nerf trijumeau (V2) et s’aborde à nouveau avec des aiguilles très fines. On y instille une très faible quantité d’alcool (0,3 mL). Cette infiltration plus technique est envisagée quand les céphalées hémifaciales ne répondent pas à l’infiltration précédente. Les patients répondeurs peuvent alors être soulagés pendant des mois également.

Consulter la vidéo : Des injections contre les céphalées chroniques (france.tv/france 2/c'est au programme).

Ces techniques précises et efficaces impliquent un apprentissage et un engagement des radiologues dans le traitement des céphalées cervico-faciales. Elles sont déjà proposées aux patients dans des centres de radiologie spécialisés rompus aux traitement de la douleur (Paris, Grenoble, Nice, Hanoi…) où toute l’équipe, dès l’accueil et tout au long de la prise en charge du patient douloureux, est parties prenantes. Les « algo-radiologues » interventionnels travaillent en lien étroit avec des équipes comportant d’autres acteurs impliqués dans le traitement de la douleur : neurologues, algologues, rhumatologues, chirurgiens du rachis et psychiatres.

* Lauréat Victoires de la médecine 2006 (Technologie): Traitement des métastases osseuses douloureuses par Radiofréquence et cimentoplastie


Bruno Kastler

Unité de Radiologie Interventionnelle Traitement de la Douleur, Radiologie Adulte Hôpital Necker, Paris

Radiologie Hôpital Européen Georges Pompidou, Paris