En 1994 le Pr. Michael Dake, radiologue interventionnel à l’Université de Stanford aux Etats-Unis, présentait à la communauté scientifique internationale dans The New England Journal of Medicine le traitement endovasculaire de l’anévrysme de l’aorte thoracique par pose d’endoprothèse, nouvelle modalité thérapeutique qui révolutionna la prise en charge de cette pathologie lourde, traitée traditionnellement par chirurgie ouverte. Comment a évolué depuis cette époque le rôle du radiologue interventionnel en France et dans le monde entier dans la prise en charge de la pathologie aortique, et quelles sont les perspectives futures ?
Contexte
L’évolution des endoprothèses aortiques fait partie des succès de la médecine, où une nouvelle modalité mini-invasive de prise en charge s’impose progressivement grâce à ses avantages en termes d’impact sur le patient et d’amélioration du risque de complications. En France, une longue tradition est liée aux équipes de radiologie interventionnelle qui s’intéressèrent à ces thématiques avec des publications dans des revues prestigieuses comme The Lancet en 2001 et l’obtention des Victoires de la Médecine en 2003. Depuis ces années, la thérapie endovasculaire est devenue un domaine d’intérêt pour différents acteurs, radiologues, chirurgiens et plus récemment cardiologues, en entraînant une complexité de l’organisation de la prise en charge autour du malade due à la superposition des compétences et à la difficulté conséquente à définir les rôles de chacun. Cet état de fait, que l’on pourrait qualifier « d’historique », a engendré au fil des ans un désengagement plus ou moins forcé des radiologues vis-à-vis de certaines niches de cette activité, notamment la prise en charge de la pathologie aortique, aussi bien sur le versant des soins que de la recherche.
Perspectives
Les dernières recommandations de la HAS concernant le traitement des anévrysmes de l’aorte abdominale sous-rénale envisageaient déjà en 2009 la pose des endoprothèses « dans un centre pluridisciplinaire regroupant des activités chirurgicale et radiologique » et identifiaient la collaboration radio-chirurgicale en tant « qu’éminemment souhaitable ». La solution mini-invasive est ce jour à considérer comme alternative à la chirurgie chez les patients à risque chirurgical normal autant que pour ceux à haut risque, à condition que l’anatomie soit favorable.
Ces recommandations risquent d’être remises en cause prochainement à la suite des conclusions de l’organisme anglo-saxon NICE, équivalent de la HAS en Grande-Bretagne, qui propose la suppression du remboursement des prothèses abdominales pour des patients à faible risque. Sur le plan technique, grâce aux méthodes percutanées, la pose des endoprothèses peut se faire selon une approche interventionnelle pure, sans abord chirurgical, et dans ce cadre le radiologue interventionnel, avec une formation endovasculaire spécialisée a une place légitime et doit s’organiser pour développer son recrutement propre (Fig. 1).
Nous sommes en mesure de traiter les patients dans nos blocs interventionnels équipés d’outils d’imagerie à la pointe et d’organiser la prise en charge à travers des parcours de soins modernes dédiés aux modalités de traitement mini-invasif, tels que l’hospitalisation ambulatoire, de jour ou de semaine. La collaboration entre spécialités avec une complémentarité de compétences reste le noyau dur d’une prise en charge moderne, structurée, pluridisciplinaire. Néanmoins, il est temps de sortir de l’anonymat et d’afficher une vision moderne, agressive et efficace de la discipline, dans l’intérêt des patients. Un changement d’esprit vers l’approche clinique, le contact avec le patient et la gestion de la prise en charge du patient dans sa globalité est nécessaire, avec le soutien de nos administrations, pour mettre en avant le volet thérapeutique mini-invasif de la radiologie interventionnelle. Ce choix est devant nous pour les années à venir afin de jouer ce match primordial. N’oublions pas que nous sommes les inventeurs de l’angioplastie ! Aux armes !
Marco Midulla
Université de Bourgogne-Franche Comté, Centre de Thérapies Mini-Invasives Interventionnelles et Endovasculaires, Département de Radiologie Diagnostique et Thérapeutique, CHU de Dijon
Jean-Paul Beregi
Université de Montpellier, Pôle d’Imagerie, CHU Carémau, Nîmes
Hervé Rousseau
Université de Toulouse III Paul Sabatier, Service de Radiologie, CHU Rangueil, Toulouse
Romaric Loffroy
Université de Bourgogne-Franche Comté, Centre de Thérapies Mini-Invasives Interventionnelles et Endovasculaires, Département de Radiologie Diagnostique et Thérapeutique, CHU de Dijon
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Séance scientifique
Séance de communications orales en imagerie vasculaire : Actualités en radiologie interventionnelle endovasculaire artérielle et veineuse