La formation des professionnels de santé est depuis toujours un enjeu majeur en terme de qualité et de sécurité des soins. La formation initiale contribue à apporter aux futurs professionnels les savoirs fondamentaux à l’exercice. La formation continue permet de garantir le maintien des connaissances en lien notamment avec les évolutions technologiques et des pratiques professionnelles.
Depuis plusieurs années, les autorités en charge de l’évaluation de la qualité des pratiques, l’HAS 1 et l’ASN 2 en ce qui concerne notre domaine d’activité, interrogent les responsables des organisations sur les procédures d’intégration des nouveaux professionnels et les dispositifs mis en place pour la formation et le maintien des compétences en ce qui concerne l’utilisation des équipements émetteurs de rayonnements ionisants.
Formalisé dès 2009 en radiothérapie dans le guide de management de la sécurité et de la qualité des soins de radiothérapie publié par l’ASN, ce sujet est un élément central dans le management des ressources humaines au sein des services médicotechniques. « Les dispositions prises pour organiser le recrutement et la formation professionnelle continue externe et interne ainsi que pour vérifier l’entretien des connaissances et des compétences professionnelles doivent être formalisées et appliquées. Les résultats de ces actions doivent être enregistrés et conservés » 3.
L’analyse des évènements indésirables en matière de radioprotection amène les organismes d’inspection et de certification à interroger les procédures d’évaluation des compétences des professionnels lors de leur intégration dans les services, mais également à l’occasion des changements d’équipements. Cette question se pose particulièrement pour l’intégration des manipulateurs à l’exercice au sein des radiopharmacies en médecine nucléaire, pour l’utilisation des accélérateurs en radiothérapie et, plus récemment, pour l’utilisation des scanners en radiologie pour lesquels des évènements récents montrent que certaines fonctionnalités peuvent être mal appréhendées par les utilisateurs. Sans remettre en cause la formation par compagnonnage, la demande est donc de plus en plus pressante de formaliser les étapes de formation et d’évaluation de la capacité des professionnels à maitriser les compétences en lien avec le poste de travail occupé. Cette approche n’est pas sans rappeler ce qui s’opère dans le domaine de la biologie médicale depuis plusieurs années, avec la mise en place de la certification des laboratoires et l’habilitation des professionnels à la réalisation de certaines techniques.
Historiquement basée sur la possession d’un diplôme autorisant l’exercice professionnel, la mise en responsabilité sur une activité passe de plus en plus par une période de formation assujettie d’une étape de validation du professionnel par une personne qualifiée en charge de vérifier sa capacité à tenir le poste de travail. Selon les recommandations pour la gestion des ressources humaines en biologie, « toute personne ayant un impact sur les prestations délivrées par le laboratoire, sans se limiter aux aspects analytiques et techniques, doit disposer d’une formation adaptée et être autorisée à occuper un poste donné » 4.
A l’instar de ce qui est demandé en radiothérapie, « Une politique de management des ressources humaines doit être définie afin de prouver la compétence du laboratoire pour effectuer les tâches imparties à l’activité de biologie médicale. Cela recouvre notamment la définition des fonctions et responsabilités, la formation et le maintien des compétences, la qualification et l’habilitation des personnels. » 5
La notion d’habilitation utilisée en biologie relève d’une autorisation explicite à effectuer des tâches particulières : modifier des programmes informatiques, corriger des résultats... Elle doit donc être documentée, généralement par la signature ou le paraphe d’un responsable ou d’un superviseur. Elle peut être donnée sur tout ou partie d’une activité et prendre en compte au-delà des aspects techniques, des aspects qualité. Les éléments de traçabilité concernant la qualification sont conservés dans le dossier du personnel.
Selon les recommandations relatives à la formation à l’utilisation des dispositifs médicaux émetteurs de rayonnements ionisants publiées en juin 2016, fruit d’un travail piloté par l’ASN en lien avec les professionnels concernés et les industriels, l’utilisation d’un dispositif médical ne peut être envisagée sans une information et une formation préalables des professionnels amenés à le mettre en œuvre.
Les professionnels doivent donc bénéficier d’une formation à l’utilisation du dispositif médical et de ses accessoires avant leur prise de fonction (nouveaux arrivants notamment).
« Sont principalement concernés, les personnes qualifiées pour pratiquer des examens, dont les manipulateurs et les médecins, mais aussi les physiciens médicaux. La formation est à dispenser par le fournisseur lors de la mise en service d’un nouveau matériel, d’une nouvelle technique ou après évolution majeure d’un équipement en fonctionnement, à un groupe d’utilisateurs de référence et ensuite relayée par un référent interne » 6.
La formation délivrée par le fournisseur doit prévoir un engagement à dispenser l’intégralité du programme de formation cosigné par le formateur et les professionnels formés, les feuilles d’émargement et attestations de présence individuelles à la formation dispensée et doit intégrer une étape permettant de vérifier les acquis des professionnels. La formation délivrée par le référent doit également être tracée et comprendre une étape de vérification des acquis. Les documents relatifs à la formation des utilisateurs doivent être conservés durant toute la durée de la vie de l’équipement.
Même si le dispositif en imagerie n’est à ce jour pas comparable à celui appliqué en biologie, nous pouvons aisément faire le parallèle avec notre domaine d’activité, dont les modes d’autorisation sont en cours d’évolution et pour lesquels nous aurons collectivement, de plus en plus, à justifier notre capacité à savoir faire telle ou telle activité pour être autorisés à prendre en charge les patients. Il nous faut donc anticiper l’avenir, d’autant plus que la mise en place du développement professionnel continu (DPC) vise à amener les professionnels à mettre à jour leurs connaissances et à faire évoluer leurs pratiques. De là à voir des procédures d’habilitation des professionnels se mettre en place en imagerie et radiothérapie, il n’y a qu’un pas, qui peut être vite franchi et qu’il nous faut anticiper, sans quoi nous risquons de le subir…
Références
1. HAS : Haute Autorité de Santé
2. ASN: Autorité de Sureté Nucléaire
3. Guide de l’ASN n°5 Guide de management de la sécurité et de la qualité des soins de radiothérapie Version du 10/04/2009. Page 32 - Management des ressources humaines, section 3.2.1
4. Recommandations pour la gestion des ressources humaines. Qualité et accréditation en biologie médicale Ann Biol Clin 2013 ; 71 (Hors-série no 1) : 191-218.
5. ibid.
6. Recommandations relatives à la formation à l’utilisation des dispositifs médicaux émetteurs de rayonnements ionisants- ASN – 13 juin 2016
Fabien VOIX
Président de l’AFPPE