Gestion des patients en Radiologie Interventionnelle pour le déconfinement du 11 mai

Gestion des patients en Radiologie Interventionnelle pour le déconfinement du 11 mai

Auteur(s) : 
SFR

Un nouveau coronavirus, nommé SARS-CoV-2 ou COVID-19 a été détecté en Chine fin décembre 2019. L’épidémie s’est propagée depuis janvier 2020 et est devenue une pandémie. Afin de limiter sa propagation en France, des mesures de confinement ont été mises en place le 17 mars et seront modifiées progressivement à partir du 11 mai.  

Recommandations de la FRI-SFR pour le déconfinement

Ces conseils de bonne pratique sont à pondérer avec l’évolution des données sur le COVID-19, car élaborés selon l’état actuel des connaissances et seront amenés à être modifiés

Les recommandations de la FRI-SFR font suite à celles élaborées sur la gestion des malades en radiologie interventionnelle des patients COVID+ pendant la pandémie (Activité de Radiologie Interventionnelle en phase d’épidémie COVID-19+ Recommandations de la Fédération de Radiologie Interventionnelle pour la Société Française de radiologie (FRI-SFR) » (1) et sont en adéquation avec celles du CIRSE (2, 3).

Elles doivent s’adapter aux organisations et aux capacités institutionnelles locales.

Objectifs

Ces recommandations ont pour objet d’apporter des orientations générales concernant la prise en charge en radiologie interventionnelle des malades (COVID+ ou COVID-) dans un contexte de déconfinement et de reprise progressive de l’activité programmée des patients à perte de chance.

Il convient d’adapter les activités de radiologie interventionnelle pour les malades dès lors que la balance bénéfice / risque individuelle plaide en faveur de leur mise en œuvre. Ainsi, l’accès aux soins se veut sécurisé afin d’éviter les risques de contamination dans le respect des procédures définies par le Haut Conseil de la santé publique (HCSP) avec notamment la mise en œuvre de circuits séparés des patients COVID- et COVID+.

Ces recommandations visent à offrir à tous les malades lors du déconfinement des soins de qualité en adéquation avec les bonnes pratiques médicales et dans des conditions de sécurité nécessaires afin d’éviter toute perte de chance.

1. Principes généraux

Voici ci-dessous, les impératifs et les principes généraux des recommandations :

  • Les filières entre les patients COVID+ et COVID- doivent être séparées.
  • Tous les malades doivent être traités selon les bonnes pratiques et les recommandations des sociétés savantes.
  • Les traitements non indispensables pour les patients traités COVID+ doivent être limités (surmortalité des patients COVID+).
  • Les risques de contamination interindividuelle, notamment au cours d’une hospitalisation doivent être limités.
  • Les actes à risque faible de complications doivent être privilégiés pour limiter les prolongations d’hospitalisation.
  • Afin de limiter la nécessité de recourir aux unités de réanimation ou de soins continus, la prise en charge en ambulatoire doit être favorisée au maximum.
  • La sortie du patient doit être rapide afin de libérer au plus vite toute dépendance hospitalière (ex : protocole antalgique optimisé).
  • Les traitements de RI du cancer sont à maintenir ainsi que les indications impliquant un risque vital (exemple : anévrisme, hémorragie), un risque de perte d’autonomie (ex : fracture pathologie rachidienne) ou une incapacité fonctionnelle irréversible (exemple ischémie critique).
  • Les traitements des affections chroniques ne permettant pas la reprise d’une vie sociale et/ou professionnelle (douleurs chroniques ; pathologies entrainant une anémie, une asthénie…) doivent être évalués au cas par cas en fonction de l’âge et des comorbidités du malade avec une évaluation du rapport bénéfice/risque.
  • Toutes les indications ou reports d’actes de radiologie interventionnelle doivent être discutés avec l’équipe demandeuse de l’acte et expliqués de façon claire et loyale au patient (ou à sa famille).

2. Détails des délais de prise en charge des malades à traiter

L’organisation des délais de prise en charge des malades à traiter s’effectue avant tout selon le rapport bénéfice/risque individuel. Quatre groupes de malades sont ainsi distingués selon les délais de prises en charge proposés : l’urgence vitale immédiate, l’urgence vitale, la semi-urgence et les pathologies dont le traitement par RI peut être différé.

Si un traitement considéré comme non urgent permet de réduire une durée d’hospitalisation, il doit alors être pratiqué.

Sont détaillées ci-dessous les principales pathologies traitées par Radiologie Interventionnelle (la liste n’est donc pas exhaustive).

a. Urgence vitale immédiate (< à 6h)

L’ensemble des pathologies listées ci-dessous sont à traiter sans tarder dès le diagnostic établi.

  • Urgence hémorragique (à traiter par embolisation, angioplastie-stenting) :
    • Faux anévrisme traumatique ou iatrogène.
    • Plaie vasculaire.
    • Fracture et hémorragie d’organe.
    • Hémoptysie, épistaxis.
    • TIPS (si retentissement hémorragique).
  • Urgence ischémique (embolique ou thrombotique) à traiter par techniques de revascularisation en RI :
    • Embolie pulmonaire compliquée.
    • Ischémie mésentérique aigüe.
    • Ischémie aigüe des membres inférieurs.
  • Urgence aortique (traitement endovasculaire) :
    • Anévrisme rompu ou fissuré.
    • Dissection aortique de type B compliquée (ischémique, hémorragique ou fonctionnelle).
  • Urgence infectieuse (compliquée de sepsis sévère ou de choc) :
    • Par drainage urinaire, biliaire ou d’une collection profonde.

b. Urgence vitale (6h - 2 semaines)

  • Complication hémorragique de l’hypertension portale :
    • Par Early-TIPS.
  • Pathologie thrombotique (à traiter par technique de revascularisation) :
    • Pontage artériel, thrombose veineuse profonde, abord d’hémodialyse.
  • Pathologie vasculaire (à traiter par technique de revascularisation ou par embolisation) :
    • Endofuite de types 1 et 3.
    • Anévrisme de l’aorte abdominale > 6 cm.
    • Anévrysme artériel symptomatique.
    • Angor mésentérique.
    • Artériopathie Oblitérante des Membres Inférieurs.
      • Ischémie critique et Claudication Intermittente à périmètre serré.
  • Pathologie infectieuse / obstructive :
    • Tous les actes de radiologie interventionnelle en rapport avec la prise en charge infectieuse ou obstructive demeurent des indications urgentes. Ils comprennent les drainages biliaires, urinaires et des collections profondes.
  • Embolie pulmonaire nécessitant une interruption cave.
  • Pathologie oncologique.

Le maintien des traitements du cancer par RI est indispensable (Réf INCA (4) qu’ils soient curatifs ou palliatifs et comportent également les actes suivants en plus des traitements de Destruction Tumorale Percutanée guidée par Imagerie (DTPI) et de la chimio embolisation :

  • Pose de site implantable.
  • Pose de picc-line.
  • Angioplastie/stenting d’un syndrome cave.
  • Biopsies guidées par Imagerie (Echo, radio, scanner, IRM)

L’INCA a publié les recommandations sur la gestion des malades avec pathologies cancéreuses afin de prévenir leur contamination notamment ceux avec des risques de forme grave (5).

  • Abord d’hémodialyse :
    • Gestion des dysfonctions des FAV.
    • Pose de cathéter de Canaud.
    • Pose de picc-line (indication : chimiothérapie, antibiothérapie au long cours, réhydratation, transfusions, renutrition…).

c. Semi-urgence (2 - 8 semaines)

  • Pathologie vasculaire (si traitement endo-vasculaire indiqué) :
    • Anévrisme de l’aorte thoracique >7 cm.
    • Anévrisme de l’aorte abdominale 5,5 cm.
    • Anévrisme poplité symptomatique.
  • Pathologie osseuse :
    • Cimentoplastie (fracture).

d. Pathologies dont le traitement par RI peut être différé (> à 8 semaines)

  • Pathologie hémorragique :
    • Fibrome utérin (sauf en cas de déglobulisation)
    • Hémorragie digestive chronique (sans déglobulisation)
  • Pathologie embolique :
    • Ablation de filtre cave
  • Pathologie vasculaire :
    • Dissection de type B non compliquée pour traitement de la porte d’entrée.
    • Anévrisme de l’aorte thoracique entre 6-7 cm.
    • Anévrisme de l’aorte abdominale > à 5 et < 5,5 cm.
    • Endofuite de type 2.
    • Anévrisme poplité asymptomatique.
    • Pathologie occlusive – Claudication Intermittente (à périmètre large).
    • Malformations vasculaires non compliquées (MAV, MV, ML…).
  • Pathologie hépato-biliaire :
    • TIPS pour hypertension portale non hémorragique.
  • Pathologie génito/urinaire :
    • Embolisation de prostate.
  • Pathologie douloureuse invalidante :
    • Veineuses :
      • Syndrome de congestion pelvienne.
      • Varicocèle.

Tous les actes de Radiologie Interventionnelle d’ordre fonctionnel (douleur, impotence fonctionnelle, hémorragie sans déglobulisation…) en rapport avec des pathologies qui engendrent une invalidité comme une incapacité de travail peuvent être réalisés en fonction du rapport bénéfice-risque (degré d’invalidité, comorbidités, âge).

3. La prise en charge

La prise en charge s’organise en amont de l’acte de RI avec 3 étapes distinctes.

a. Période pré-intervention :

  • Consultation pré-acte (pouvant être remplacée par téléconsultation) :
    • Prescription complémentaire d’examen biologique et d’imagerie si nécessaire.
    • Si nécessaire (ex : oncologie), validation en RCP.
    • Explication du déroulement de l’intervention, des bénéfices et des risques et du parcours spécifique (patient COVID+/COVID-).
    • Rappel des gestes barrières et des préconisations d’accueil et de circuit au sein de l’institution.
    • Pour les patients COVID+ ou les actes de RI à risque d’intubation ou d’aérosolisation, se référer aux recommandations FRI- SFR spécifiques (1).

b. Période per-intervention (per-hospitalière)

  • Prise en charge si possible en ambulatoire.
  • Si hospitalisation préférer chambre seule.
  • Masques chirurgicaux pour les patients COVID+
  • Prise en charge séparée ou horaires dédiés en ambulatoire pour les patients COVID + et COVID-
  • Circuit dédié (si possible : salle dédiée aux patients COVID+).
  • Pour les patients COVID+ ou les actes de RI à risque d’intubation ou d’aérosolisation, se référer aux recommandations SFR-FRI spécifiques : « Activité de Radiologie Interventionnelle en phase d’épidémie COVID-19+ Recommandations de la Fédération de Radiologie Interventionnelle pour la Société Française de radiologie (FRI-SFR) » (1).

c. Période post-intervention (post-hospitalière)

  • Retour au domicile le plus rapide possible.
  • Protocole antalgique adapté, en accord avec la SFAR et les CLUD locaux (sur risque des AINS).
  • Prescription médicamenteuse et prescription biologique si nécessaire.
  • Suivi en Imagerie programmé si nécessaire.
  • Consultation post-intervention programmée (idéalement téléphonique ou par vidéo).

Rédacteur : Dr Vania Tacher

Relecteurs : Pr H Kovacsik, Pr JM Bartoli (pour la FRI-SFR)

Références

  1. https://ebulletin.radiologie.fr/actualites-covid-19/activite-radiologie-interventionnelle-phase-depidemie-covid-19-recommandations
  2. Ierardi AM, Wood BJ, Gaudino C, Angileri SA, Jones EC, Hausegger K, et al. How to Handle a COVID-19 Patient in the Angiographic Suite. CardioVascular and Interventional Radiology 2020.
  3. Monfardini L, Sallemi C, Gennaro N, Pedicini V, Bnà C. Contribution of Interventional Radiology to the Management of COVID-19 patient. CardioVascular and Interventional Radiology 2020.
  4. https://www.e-cancer.fr/Professionnels-de-sante/Coronavirus-COVID-19
  5. https://www.e-cancer.fr/Professionnels-de-sante/Coronavirus-COVID-19/Recommandations-du-HCSP-relatives-a-la-prevention-et-a-la-prise-en-charge-du-COVID-19-chez-les-patients-a-risque-de-formes-severes